Résumé : L'étude des phénomènes fondamentaux de

transport et de thermodynamique apparaissant lors de l'évaporation

en milieu poreux permet l'investigation d'applications pratiques

variées. Dans ce travail, nous développons des modèles fondamentaux

d'évaporation en milieu poreux que nous appliquons ensuite au

séchage en lit fluidisé de deux matériaux granulaires poreux : le

PVC et la levure.

Les modèles mis au point sont réalisés suivant une approche

multiéchelle. Nous nous intéressons tout d'abord aux phénomènes se

déroulant à l'échelle d'un pore. Les modèles développés à cette

échelle sont ensuite exploités dans le cadre d'une étude à l'échelle

d'un grain poreux. Le couplage des modèles de grain avec un modèle à

l'échelle du réacteur permet alors l'étude des applications

industrielles.

A l'échelle du pore, nous étudions les phénomènes de transport dans

un capillaire initialement rempli de liquide qui s'évapore vers

l'atmosphère ambiante. L'objectif est de prédire le taux

d'évaporation dans cette configuration. Nous nous intéressons

successivement à la modélisation du transport de matière par

convection-diffusion en phase gazeuse et la modélisation de l'impact

de films liquides adsorbés à la paroi du capillaire sur le transport

de matière. Ces deux modèles sont confrontés à des expériences

d'évaporation en capillaires cylindriques visualisées à l'aide de

deux dispositifs optiques. Le premier offre un suivi d'ensemble au

cours du temps du capillaire, alors que le second, un interféromètre

de Mach-Zehnder, permet une visualisation locale de la région

entourant le ménisque.

Le modèle portant sur le transport de matière par

convection-diffusion mène à la définition d'un critère non

dimensionnel permettant d'évaluer si la convection dans la phase

gazeuse dans le capillaire doit être prise en compte pour évaluer le

taux d'évaporation. Le modèle de film permet de prédire l'impact de

celui-ci sur l'évaporation en présence d'un gaz inerte lorsque les

mouvements convectifs en phase gazeuse sont négligeables. La

confrontation de ce modèle avec les profils d'épaisseur des films

obtenus à l'aide de interféromètre de Mach-Zehnder ne permet pas de

valider le modèle, et ce, suite à une trop grande incertitude sur

l'évaluation des interactions entre la paroi et le liquide.

A l'échelle d'un grain, nous développons un modèle discret par

réseau de pores et deux modèles continus pour tenter de prédire le

taux d'évaporation et la distribution des phases dans le milieu

poreux. Le modèle par réseau de pores prend en compte les transports

de matière par diffusion en phase gazeuse, par convection dans les

pores remplis de liquide et par convection dans les films liquides.

Les effets visqueux en phase liquide sont également modelisés. Pour

la prise en compte de ces derniers, nous montrons l'importance de

l'usage d'un algorithme approprié. Nous évaluons ensuite au travers

de trois nombres sans dimensions l'impact du transport par film et

des effets visqueux sur l'évaporation et la distribution des phases.

Cette analyse dimensionnelle est ensuite appliquée à l'étude de

réseaux de pores pour lesquels la section des liaisons les

constituant est idéalisée par des polygones réguliers. Pour les

modèles continus après une vérification simplifiée de

l'applicabilité de cette démarche, nous développons deux modèles

simples. Dans les deux modèles, l'étape de séchage à vitesse

constante est supposée limitée par le transport de matière externe

au grain. Le premier modèle, dit à front pénétrant, suppose que

l'étape de séchage à vitesse décroissante correspond à l'existence

d'un front d'évaporation qui s'enfonce dans la matrice poreuse. Le

second modèle, dit à surface d'échange variable, attribue cette même

étape du séchage à une diminution progressive de la surface

d'évaporation en surface du grain.

A l'échelle du réacteur, nous présentons deux modèles visant à

simuler deux types d'essais différents : le séchage en lit fluidisé

et la thermogravimétrie analytique. Ces deux modèles sont couplés

aux différents modèles à l'échelle de grain pour étudier le séchage

de PVC et de levure tant en lit fluidisé que lors des essais de

thermogravimétrie analytique.

Dans le cas du PVC, le modèle par réseau de pores ne peut pas être

appliqué de par la nécessité d'une trop grande puissance de calcul.

Au niveau des modèles continus, nous montrons que l'application du

modèle à surface d'échange variable permet de reproduire les courbes

de séchage expérimentales des essais en lit fluidisé.

Dans le cas de la levure, nous appliquons le modèle par réseau de

pores et le modèle à front pénétrant. L'utilisation du modèle par

réseau de pores nécessite une connaissance plus détaillée de la

structure poreuse des grains. Le traitement d'une analyse par

microtomographie nous permet d'obtenir un réseau de pores

expérimental. Celui-ci est utilisé pour montrer que la méthode de

caractérisation de la porosité par intrusion de mercure ne semble

pas adaptée à un matériau deformable comme la levure. Le même réseau

est utilisé pour simuler le séchage de grains de levure à l'aide du

modèle par réseau de pores. Les simulations sont réalisées sur des

réseaux équivalents à des coupes dans le solide. Le modèle par

réseau de pores et le modèle à front pénétrant permettent tous deux

de modéliser correctement le séchage de levure en lit fluidisé

moyennant l'ajustement de leurs paramètres ajustables,

respectivement la conductibilité des films liquide et la tortuosité.

Pour l'essai de thermogravimétrie, ils ne parviennent à approcher

que la première étape de celui-ci. Les avantages, défauts et

complémentarités de ces deux modèles sont discutés.

Nous évaluons ensuite l'impact du rétrécissement de la levure et des

types d'eau sur le séchage de ce matériau. Le rétrécissement est,

pour ce faire, mesuré à l'aide d'un stéréomicroscope. Ces premières

mesures, exploratoires, mènent à la définition d'un modèle empirique

de retrait du solide au cours de son séchage. En le prenant en

compte dans les modèles déjà appliqués à la levure, nous montrons

que le retrait a un impact significatif sur l'étape de séchage à

vitesse décroissante. Cet impact

peut cependant être masqué intégralement par la réévaluation

des paramètres ajustables des différents modèles. Finalement,

l'étude des types d'eau au travers d'un modèle simple appliqué à

l'essai de thermogravimétrie analytique montre que les types d'eau

ne doivent pas être pris en compte pour modéliser le séchage de

levure.

A l'issue de ce travail, nous disposons donc de modèles fondamentaux

d'évaporation en milieu poreux. Ceux-ci peuvent être appliqués à des

cas d'intérêt industriel, comme nous le réalisons pour le PVC et la

levure. Ils peuvent servir à améliorer la

compréhension de ces procédés. Ils représentent donc des

outils de choix pour la conception, le dimensionnement et

l'optimisation du séchage.