Résumé : Le secteur de santé a connu d‘importantes transformations structurelles accentuant les contraintes du travail infirmier. Ces contraintes exposent le personnel infirmier à un stress important impactant, à long terme, leur bien-être au travail et la qualité des soins (Kornig, Levet, & Ghadi, 2016). Confronté à la souffrance et à la mort, le travail infirmier suppose aussi des interactions chargées émotionnellement où les expressions émotionnelles comme la colère, le dégoût ou même la peine sont régis par des normes déontologiques, étiques ou sociales appelées « règles d‘affichage émotionnel » (Diefendorff, Erickson, Grandey, & Dahling, 2011). Les émotions réellement ressenties par le soignant ne concordent pas toujours avec ces règles d‘affichage émotionnel. Dans ce cas, le soignant expérimentera une dissonance émotionnelle (Zapf, 2002) génératrice de tension, d‘une aliénation des émotions, d‘une perte d‘estime de soi, altérant ainsi le bien-être au travail (Diefendorff, Croyle, & Gosserand, 2005 ; Dal Santo, Pohl, & Battistelli, 2016). Cependant, une réorientation de la recherche, soutenue entre autres par des modèles comme le modèle exigence-ressource de Demerouti, Bakker, Nachreiner & Schaufeli (2001), propose de s‘intéresser au potentiel ressource dont dispose le travail, l‘organisation ou l‘individu lui-même. Suivant cette voie, les chercheurs mettent au premier plan des concepts tels que le soutien émotionnel perçu du supérieur (Pohl & Galletta, 2017) et les stratégies de régulation émotionnelle (Andela, Truchot, & Borteyrou, 2015) comme des ressources permettant d‘atténuer les effets néfastes des tensions émotionnelles et psychologiques du travail. À notre connaissance, peu de recherches se sont penchées sur l‘influence de la dimension émotionnelle du soutien du supérieur sur la population infirmière. De plus, l‘examen de la littérature révèle une incohérence quant au sens de la relation entre la régulation émotionnelle et le bien-être au travail (Andela et al., 2015). Pour ce faire, ces auteurs proposent une nouvelle construction de la régulation émotionnelle en quatre dimensions qui a été adoptée dans la présente thèse. La question de départ de cette recherche doctorale est de comprendre dans quelle mesure le bien-être au travail est affecté par les exigences et les ressources émotionnelles du travail infirmier. Pour ce faire, trois études empiriques ont été menées utilisant la modélisation en équation structurelle avec le logiciel Mplus. Les résultats démontrent que les exigences du travail en termes d‘effort extrinsèque, de conflit travail/famille et de dissonance émotionnelle entretiennent une relation négative avec les indicateurs du bien-être au travail (engagement au travail, engagement affectif, satisfaction au travail et l‘épuisement émotionnel). Cette relation se trouve expliquée (partiellement ou complètement selon l‘indicateur du bien-être au travail) à court et à long terme par le soutien émotionnel perçu du supérieur. D‘autre part, la validité factorielle de la structure quadridimensionnelle des stratégies de régulation émotionnelle (déploiement attentionnel, réévaluation cognitive, suppression et amplification positive) révélée par Andela et al. (2015) a été démontré. Parmi ces quatre stratégies, le déploiement attentionnel a permis de médier partiellement la relation entre la dissonance émotionnelle et le bien-être au travail. Ces résultats sont discutés dans chaque chapitre des articles.