Résumé : Le séchage est une opération unitaire pratiquée depuis des millénaires pour laquelle les connaissances scientifiques sont encore très incomplètes. Il est cependant de plus en plus nécessaire de « bien » sécher afin d’atteindre une combinaison optimale du temps de séchage, de l’énergie consommée et surtout de la qualité du produit final. Ceci est d’autant plus vrai dans le cadre du séchage alimentaire où de nombreux produits sont très sensibles à la température et à la déshydratation. C’est le cas de la levure de boulanger dont la capacité à dégager du CO2, pour faire gonfler la pâte à pain par exemple, diminue très souvent lorsque le séchage est réalisé dans des mauvaises conditions opératoires. L’utilisation de séchoirs particuliers tels que les lits à jet coniques devrait permettre d’améliorer le séchage en terme d’efficacité et de qualité finale. L’objectif principal de cette thèse est de contribuer à mieux comprendre et modéliser le séchage de levures en lit à jet conique en utilisant une approche multi-échelles.

Le séchage d’un grain de levure isolé est caractérisé à l’aide d’un nouveau dispositif thermogravimétrique dans lequel il est possible de mesurer l’évolution des dimensions du grain ainsi que sa température de surface. Les résultats obtenus sont alors utilisé pour construire et valider un nouveau modèle du séchage d’un grain de levure basé sur l’existence de trois types d’eau et permettant de prédire l’évolution du contenu en eau et de la température du grain. L’analyse combinée du modèle et des résultats expérimentaux permet de mettre en avant que le rétrécissement des grains de levures au cours du séchage n’a pas d’impact significatif sur la vitesse de séchage et qu’il est essentiel de modéliser correctement la température du grain.

L’écoulement de solides dans le lit à jet conique est caractérisé expérimentalement au moyen de la technique de poursuite de particule radioactive (RPT). Un post-traitement des données brutes (évolution temporelle de la position du traceur) est développé pour déduire un certain nombre de paramètres liés à l’écoulement du solide : forme des régions du lit à jet (jet, anneau et fontaine), distributions de l’écoulement des solides entre les régions, distribution de temps de séjour des solides dans le lit, vitesses et débits moyens des solides, et taux de gaz dans le jet et l’anneau. Les résultats expérimentaux ont notamment permis de montrer que la forme du jet ne dépend quasiment pas de la vitesse d’injection de l’air; de même, le rapport du débit volumique de solides d’une région du lit à l’autre avec la vitesse moyenne du solide dans l’anneau donne une valeur constante pour une hauteur de lit stagnant donnée. Des corrélations empiriques sont également développées pour prédire les vitesses et débits moyens de solides ainsi que les temps de séjour moyens des solides dans les différentes régions du lit.

L’écoulement du gaz dans le lit à jet conique est caractérisé expérimentalement par la mesure des distributions de temps de séjour (RTD) du gaz dans le lit par l’injection et la détection d’un gaz radioactif dans le lit à jet en opération. L’existence d’un écoulement non négligeable du gaz dans l’anneau du lit est mise en évidence. Les vitesses moyennes du gaz dans le jet et l’anneau ainsi que la portion du débit total qui passe dans le jet sont déduites des courbes de RTD. Il est identifié que le gaz circule au moins deux fois plus vite dans le jet que dans l’anneau, ce qui mène à des échanges de matières entre un solide et le gaz plus intenses dans le jet que dans l’anneau.

Des expériences de séchage de levure sont réalisées dans un lit à jet conique afin de caractériser l’effet des conditions opératoires sur le séchage. Un nouveau modèle multi-échelles décrivant le séchage de levure en lit à jet est présenté; celui-ci est basé sur les résultats des caractérisations expérimentales et des modélisations du séchage d’un grain de levure isolé et de l’écoulement solide-gaz dans le lit à jet conique. Le modèle phénoménologique ne possède qu’un seul paramètre et permet de très bien reproduire les résultats des expériences de séchage de levure en lit à jet conique. Il tient notamment compte du fait que dans un lit à jet, la saturation de l’air en vapeur d’eau au passage du lit peut être un phénomène limitant pour la vitesse de séchage, surtout en début de séchage.

La caractérisation de l’évolution au cours du séchage de la capacité de la levure à dégager du CO2 dans une pâte à pain a également été réalisée pour un grain de levure isolé et pour le séchage en lit à jet conique. Des conclusions similaires sont présentées dans les deux cas. En effet, la dégradation de la levure est liée à l’enlèvement de l’eau intracellulaire (type D, fin du séchage en-dessous de contenu en eau d’environ 0,5 (d.b.)) et c’est avant tout la vitesse avec laquelle cette eau est enlevée qui contrôle la qualité finale du produit. L’enlèvement de l’eau intercellulaire (type E, début du séchage) n’a pas d’influence significative sur la dégradation de la levure. Dans tous les cas, la dégradation est amplifiée lorsque la température du solide dépasse 40°C.

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Drying is a unit operation that is practiced since thousands of years and which for scientific knowledge is still very incomplete. However it is more and more necessary to dry « well » in order to reach an optimal combination between drying duration, consumed energy and also final product quality. This is even truer in the case of food drying involving a lot of products that are very sensitive to temperature and dehydration. Baker’s yeast often encounters a drastic decrease of its gassing power, which makes for instance inflate bread dough, when drying is operated in wrong conditions. Using special driers such as conical spouted beds should allow improving drying in terms of efficiency and final quality. The main objective of this thesis is to contribute to better understand and model Baker’s yeast drying in a conical spouted bed by using a multiscale approach.

Drying of a single Baker’s yeast pellet is characterised by using a new thermogravimetric set up where the evolution of the pellet dimensions and surface temperature can be measured during drying. The obtained results are then used to develop and validate a new model of the drying of a Baker’s yeast pellet. The model is based on the existence of three types of water in yeast and it allows predicting the evolution of the pellet’s moisture content and temperature during drying. The combined analysis of the model and the experimental results permits to put forward that pellet’s shrinkage during drying have no significant influence on the drying rate and that it is really essential to correctly model the pellet’s temperature.

Solid flow in the conical spouted bed is experimentally characterised by using a radioactive particle tracking technique (RPT). A post-treatment of rough data (time-evolution of the tracer position) is developed in order to predict a series of parameters linked to the solid flow: shape of the bed regions (spout, annulus and fountain), distributions of solid flow in the bed regions, residence time distribution of the solids in the bed, mean solids velocities and flowrates, and voidage in the spout and annulus. Experimental results allowed to show that the shape of the spout is nearly not influenced by inlet air velocity; also, the ratio of volumetric solid flowrate between the different regions of the bed and of the mean solids velocity in the annulus has a constant value for a given static bed height. Empirical correlations are also developed in order to predict the mean solids’ velocities and flowrates, and the mean residence time of the solids in each region of the bed.

Gas flow in the conical spouted bed is experimentally characterised by measuring gas residence time distributions (RTD) in the bed through the injection and detection of a radioactive gas tracer into the operated spouted bed. The existence of non-negligible gas flow in the annulus of the bed is highlighted. Mean gas velocities in the spout and annulus, and the part of the total gas flow going to the spout are deducted from the RTD curves. It is identified that gas moves at least twice faster in the spout than in the annulus, which leads to mass exchanges between solid and gas that are more intense in the spout than in the annulus.

Baker’s yeast drying experiments are done in a conical spouted bed in order to characterise the effects of operating conditions on drying. A new multiscale model, describing Baker’s yeast drying in conical spouted bed, is presented; it is based on experimental results and on the models of a single pellet drying and of gas-solid flows in the conical spouted bed. This phenomenological model has only one unknown parameter and permits reproducing the experimental results of Baker’s yeast drying in conical spouted bed. It takes into account the fact that, in a spouted bed, vapour saturation of the air during its residence time in the bed can be a limiting phenomena for the drying rate, especially in the beginning of the drying.

The characterisation of the evolution of the Baker’s yeast gassing power in a bread dough during the drying has also been done in the case of a single pellet drying and in the case of spouted bed drying. Similar conclusions are presented for both cases. Indeed, yeast degradation is linked to intracellular water removal (type D, end of the drying below a moisture content of around 0,5 (d.b.)) and it is mostly the rate of this water removal that controls the final quality of the product. Intercellular water removal (type E, beginning of the drying) has no significant influence on yeast degradation. In all the cases, degradation is amplified when solid temperature is higher than 40°C.