Résumé : Notre thèse est née d’un constat à propos des nombreuses éditions en espagnol de «Vingt mille lieues sous les mers» de Jules Verne : souvent, les déficiences observées dans la traduction de bon nombre de termes spécialisés (p. ex., en biologie marine) et dans l’identification de noms propres (anthroponymes ou toponymes) peuvent être attribuées à des difficultés du texte source français qui n’ont pas été résolues dans la phase de compréhension. Ces difficultés empêchent une reformulation correcte et portent préjudice à la qualité du texte cible. Leurs causes possibles sont : une écriture autographe parfois peu soignée ; une composition typographique défaillante à partir des manuscrits ; une relecture ou révision hâtive des épreuves d’imprimerie par l’auteur. Une question d’éthique professionnelle se pose dès lors : quelle attitude doit adopter le traducteur au sujet des obstacles du texte source ? Un deuxième constat est venu s’ajouter au premier : le texte du roman dans les traductions espagnoles – intégrales ou publiées comme telles – présente des variantes qui ne sont pas le résultat d’une révision littéraire quelconque. Ces variantes permettent de confirmer que les textes de départ n’ont pas toujours été identiques ; en effet, «Vingt mille lieues sous les mers» a été publié en plusieurs versions originales différentes. Notre thèse vient, donc, combler un vide existant dans la recherche traductologique à propos de Jules Verne. Nous nous penchons sur les difficultés d’ordre génétique, ecdotique et terminologique du chef d’oeuvre vernien et en analysons leurs causes, ainsi que leurs conséquences sur les traductions destinées aux lecteurs hispanophones. Ceci nous amène également à aborder des aspects qui concernent la retraduction des oeuvres classiques. Notre thèse vise à montrer que la remise en cause du texte du roman de Jules Verne, sans sacraliser son statut de classique, offre un apport à l’étude de ses traductions. Nous montrerons aussi comment le travail des traducteurs, qui pratiquent une lecture profonde, exhaustive, du texte source peut contribuer à sa fixation et, à terme, à l’établissement d’une vraie édition critique de l’original, qui n’existe pas encore. La recherche est étayée par un vaste répertoire de données linguistiques. Celles-ci proviennent du travail d’observation et d’analyse des trois éditions principales du roman et de six éditions françaises contemporaines de référence, ainsi que de dix éditions en espagnol, dont nous analyserons aussi la filiation génétique. Les sources externes de Jules Verne, notamment des oeuvres des vulgarisateurs scientifiques, des atlas, des encyclopédies et d’autres documents anciens – dont la bibliothèque du capitaine Nemo possède de nombreux volumes –, méritent également toute notre attention.