Résumé : Si le traitement du cancer du sein a fait des progrès remarquables au cours des dernières années, les options thérapeutiques en cas d’atteinte métastatique au niveau hépatique restent limitées, et associées à un pronostic sombre. Dans certains cas, la chirurgie ciblée des métastases hépatiques du cancer du sein peut être associée à des survies prolongées. A l’heure actuelle, il n’existe cependant pas de critères permettant de sélectionner ces patientes. L’identification de nouveaux biomarqueurs du comportement métastatique dans ces conditions représenterait donc une avancée importante. Dans cette thèse, nous nous sommes intéressés à la caractérisation clinique, histologique et biologique des métastases hépatiques chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, et plus particulièrement aux profils de croissance histopathologiques des métastases hépatiques.Nous avons d’abord identifié deux profils de croissance histopathologiques : le profil de croissance de remplacement et desmoplastique. Nous avons rapporté des différences morphologiques, comme le contact direct entre les cellules cancéreuses et les hépatocytes dans le cas d’un profil de remplacement, ou une marge fibreuse isolant les cellules cancéreuses dans le cas d’un profil desmoplastique. Nous avons analysé les profils de croissance dans deux cohortes, une série rétrospective de patientes opérées pour métastases hépatiques et une série d’autopsie. Par rapport à la série chirurgicale, nous avons observé une augmentation de la prévalence du profil de remplacement dans les métastases hépatiques prélevées lors d’autopsies, suggérant que ce profil pouvait être associé à une maladie plus agressive. De façon cohérente avec cette observation, nous avons également montré la valeur pronostique de ces profils de croissance, le profil de remplacement étant significativement associé à une moins bonne survie globale et survie sans récidive que le profil desmoplastique. Parallèlement, nous avons mis en évidence une association entre le profil de croissance desmoplastique et l’administration d’un traitement systémique.Nous avons ensuite analysé le microenvironnement immun des métastases hépatiques, et plus particulièrement les cellules lymphocytaires infiltrant la tumeur (TIL, pour tumor-infiltrating lymphocytes). Les TIL, bien que connus pour être un marqueur prédictif et pronostique dans la tumeur primitive du sein, ne sont que peu caractérisés dans les métastases et en particulier le foie. Nous avons observé un infiltrat immun plus important dans les métastases hépatiques de type desmoplastique, principalement localisé dans la marge fibreuse entourant la tumeur. Dans la cohorte post-mortem, nous avons observé une moindre présence de TIL, suggérant que les métastases hépatiques de type remplacement pouvaient correspondre à un microenvironnement globalement plus immunosupprimé.Enfin, nous nous sommes intéressés aux mécanismes biologiques sous-jacents à ces deux profils de croissance. Nous avons confirmé à l’échelle transcriptomique certaines de nos observations morphologiques. Dans les métastases hépatiques de type remplacement, nous avons observé l’expression de gènes associés à la régulation du cycle cellulaire, à la prolifération cellulaire, aux mécanismes de réparation d‘ADN, à la cooptation vasculaire et à une plus grande motilité des cellules cancéreuses. A l’inverse, dans les métastases hépatiques de type desmoplastique, nous avons observé l’expression de gènes associés aux mécanismes d’angiogenèse, de cicatrisation du foie et de différents processus immuns.En conclusion, nous avons démontré que les profils de croissance des cellules cancéreuses pouvaient être un biomarqueur prometteur reflétant la biologie tumorale des métastases hépatiques. Bien que nos observations doivent encore être validées dans de plus larges séries, elles suggèrent que les métastases hépatiques de type desmoplastique correspondent à une maladie plus limitée pour laquelle la chirurgie ciblée pourrait être indiquée, alors que les métastases hépatiques de type remplacement correspondent à une malade plus agressive nécessitant un traitement plutôt systémique. Des recherches ultérieures, notamment dans des modèles animaux, sont maintenant nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le développement de ces deux formes de profils histopathologiques et leurs interactions avec les traitements systémiques.