par Beaugendre, Amaury
Président du jury Louvieaux, Julien
Promoteur Visser, Marjolein
Co-Promoteur Mingeot, Dominique MD
Publication Non publié, 2024-01-18
Président du jury Louvieaux, Julien
Promoteur Visser, Marjolein
Co-Promoteur Mingeot, Dominique MD
Publication Non publié, 2024-01-18
Thèse de doctorat
Résumé : | Malgré le consensus croissant sur la nécessité d'une transition vers des pratiques agricoles plus durables, les céréales et, en particulier, le froment, ont pris du retard dans la conversion à l'agriculture biologique. Parmi les facteurs contribuant à ce retard figure le manque de variétés adaptées à ces pratiques agricoles et à leurs spécificités. Dans cette thèse, nous nous concentrons sur l’une des principales alternatives variétales pour répondre à ce problème : les populations hétérogènes. Par populations hétérogènes, nous désignons ici tout type de diversité intraspécifique, allant des mélanges variétaux jusqu’aux variétés-populations. Un avantage essentiel de cette hétérogénéité est que la présence de contrastes entre plantes peut donner lieu à des mécanismes de facilitation susceptibles d'améliorer les performances des cultures et leur stabilité face à des conditions défavorables. Malgré ces propriétés prometteuses, nous manquons cependant encore de clés pour guider ce type de sélection. Il s’agit là du principal objet de cette thèse.Ces dernières années, la recherche académique semble avoir mis l’accent sur la recherche d'associations de traits pouvant conduire aux mécanismes de facilitation que nous mentionnions ci-dessus. Dans ce travail, nous avons choisi de nous intéresser également à un autre type d'interaction qui a lieu au sein des populations hétérogènes : la compétition. En particulier, nous avons émis l'hypothèse qu'un certain type de compétition, que nous appelons « compétition individualiste », pourrait avoir des effets négatifs sur la culture. En effet, il arrive parfois que la sélection naturelle nous joue des tours en favorisant des individus qui ont pourtant un moindre potentiel de rendement, ou qui contribuent moins à la facilitation. Par conséquent, plus que la seule facilitation, le principal déterminant de la performance des populations hétérogènes pourrait plus précisément être l'équilibre entre compétition et facilitation. Dans les chapitres II et III, nous avons donc cherché à vérifier si la compétition individualiste pouvait effectivement entraver la performance des populations hétérogènes, et à en identifier certaines causes sous-jacentes (en mettant l'accent sur les contrastes pour certains traits, et sur la densité de semis). Dans des essais agronomiques avec 12 mélanges variétaux et 2 populations composites-croisées (CCP), nous avons pu démontrer la présence de compétition individualiste et de ses effets négatifs sur le rendement et l'évolution de ces populations : dans plusieurs mélanges, la variété dominante était également la plus sensible à la verse et celle qui présentait le potentiel de rendement le plus faible en culture pure. Nous avons constaté, en particulier, que les contrastes de hauteur pouvaient en être une cause majeure, et que la densité de semis pouvait avoir un impact significatif sur l'intensité de la compétition individualiste.La qualité boulangère est un autre aspect sous-étudié des populations hétérogènes. Pourtant, il s’agit d’un facteur crucial pour la bonne valorisation par les agriculteurs de leurs lots de blés, et donc leur rémunération. Dans le chapitre IV de cette thèse, nous essayons de mieux comprendre comment les interactions entre plantes au sein des populations hétérogènes peuvent affecter leur qualité boulangère. Sur base d’un cadre conceptuel simple, nous avons théorisé deux mécanismes principaux qui peuvent expliquer les effets de la diversité sur la qualité boulangère : le premier propose qu'une partie des effets mélange sur la qualité boulangère puisse être attribuée à des changements de proportions variétales dans le grain récolté par rapport aux proportions attendues sur bases des mêmes variétés en culture pure, ce qui peut résulter par exemple de la compétition au sein du mélange ; le second propose qu'une partie des effets mélange sur la qualité boulangère puisse être attribuée à des changements dans la qualité boulangère des variétés composant le mélange par rapport à leur qualité en culture pure, par exemple suite à une réduction de la verse dans le mélange. Nos observations sur un ensemble de mélanges variétaux comparés à leurs composantes en culture pure tendent à confirmer ces mécanismes.Enfin, dans le chapitre V, nous abordons la question des bonnes pratiques de sélection des populations hétérogènes dans ses aspects organisationnels et sociotechniques. Les spécificités du nouveau statut réglementaire de « matériel hétérogène biologique » dans l'UE (absence de tests DHS et VCU, normes d’emballage moins contraignantes, …) rendent la sélection de peuplements hétérogènes particulièrement compatible avec des méthodes de sélection participative. Cependant, cette approche comporte également son lot de contraintes spécifiques. En mobilisant notre propre expérience au sein d'un projet de sélection participative, nous avons réalisé une analyse technographique des conséquences de ces contraintes : comment elles façonnent l'ensemble du processus de sélection et donc, à leur tour, les variétés qui en découlent. Cette étude de cas a particulièrement mis en évidence la difficulté et l’importance de susciter et de maintenir la participation des agriculteurs. Le manque de financement dédié au projet, la longueur du processus de sélection et le sentiment d'illégitimité des agriculteurs à l'égard de la sélection ont été les principaux obstacles à leur participation dans le projet. D’autre part, la faible participation des agriculteurs aux premières phases du processus de sélection a mené une prise en compte limitée de certains de leurs critères prioritaires, et a parfois rendu difficile le règlement de divergences entre les participants (qui étaient militants, chercheurs, conseillers techniques...) à propos des orientations du projet. Afin de surmonter ces problèmes et favoriser le développement de « variétés » rentrant dans le cadre de ce nouveau statut réglementaire prometteur, l’apport de soutien structurel et/ou financier à ce type d'initiatives locales via des politiques publiques volontaristes semble essentiel.En guise de conclusion, nous discutons des contributions que nos résultats apportent à l’amélioration des pratiques de sélection de populations hétérogènes. Sur base de nos résultats sur la compétition individualiste et de la littérature, nous proposons que, tout en maintenant un haut niveau de diversité pour d’autres traits fonctionnels, les populations hétérogènes devraient de préférence viser une certaine uniformité en ce qui concerne les traits compétitifs, s’alignant sur un « idéotype de profil compétitif productif ». Cet idéotype permettrait de minimiser la compétition individualiste tout en étant bien adapté aux environnements de culture biologiques/agroécologiques. Parce qu'il pourrait être bien distinct des archétypes variétaux « anciens » et « modernes », cet idéotype pourrait constituer une "troisième voie" sur laquelle paysans et collectifs militants, d'une part, et sélectionneurs et chercheurs, d'autre part, pourraient trouver un terrain d’entente fructueux, ouvrant ainsi la voie, nous l’espérons, à la nécessaire extension des pratiques de sélection participative. |
Despite the growing consensus on the need for a transition to more sustainable farming practices, cereals and, in particular, common wheat, have been lagging behind in the conversion to organic farming. We argue that one of the reasons for this is the lack of varieties that are adapted to these farming practices and their specificities. In this thesis, we focus on a main varietal alternative to respond to this issue: intra-crop diversity. By intra-crop diversity, we mean anything from variety mixtures to evolutionary populations, which we hereafter refer to with the umbrella term “heterogeneous stands”. One main advantage of intra-crop diversity is that trait contrasts between crop plants can give rise to facilitative mechanisms which can enhance crop performance and its stability in the face of unpredictable adverse conditions. However, we still know little about how to breed these heterogeneous stands. This is the main question that we try to address in this thesis.In recent years, a primary focus in the literature has been to identify favorable trait associations that can lead to facilitation. Here, we chose to also lend an eye to another type of plant interaction that unfolds in heterogeneous stands: competition. Indeed, we hypothesized that a specific type of competition, which we call “selfish competition”, could lead to negative effects on the crop. Sometimes, natural selection can indeed play tricks on us and favor genotypes that have lower grain yield potential or contribute less to facilitation. Hence, more than simply facilitation, it is the balance between competition and facilitation that may actually be the main determinant of heterogeneous stand performance. In chapters II and III, we thus sought to assess if selfish competition could indeed hinder heterogeneous stand performance, and to identify some of its underlying causes (with a focus on trait contrasts and sowing density). In agronomic trials with 12 variety mixtures and 2 Composite-Cross Populations (CCP), we found substantial evidence of selfish competition and of its negative effects on grain yield and population evolution: in several mixtures, the dominant variety was also the variety that was most sensitive to lodging and had the lowest yielding potential in pure stand. We found, in particular, that contrasts for plant height could be a major cause of selfish competition, and that sowing density could significantly impact the intensity of selfish competition.Another unresearched aspect of heterogeneous stand breeding is their baking quality. Yet, baking quality is an important factor for farmers to be able to draw satisfying remuneration for their wheat production. In chapter IV of this thesis, we try to develop a better understanding of how plant interactions in heterogeneous stands can affect their baking quality. With a simple conceptual framework, we theorized two main mechanisms that can explain mixture effects on grain quality: the first, which we call “proportion shift”, proposes that part of the mixture effects on baking quality can be attributed to shifts in the varietal proportions in the harvested grain compared to the proportions expected from pure stands of the same varieties, for example as a result of competition within the mixture; the second, which we call “component alteration”, proposes that part of the mixture effects on baking quality can be attributed to changes in the baking quality of the mixtures’ component varieties compared to their pure stand, for example as a result of reduced lodging in the mixture. By comparing variety mixtures with their component varieties in pure stand, we could find evidence of these mechanisms.Finally, in chapter V, we address the question of “how to breed heterogeneous stands” in its organizational and socio-technical aspects. The specificities of the regulatory status that allow the breeding of “organic heterogeneous material” in the EU (e.g.: no DUS or VCU testing requirements, more flexible packaging regulations) makes heterogeneous stand breeding particularly compatible with participatory plant breeding methods. However, this strategy also comes with its own challenges. Mobilizing our own experience within a participatory plant breeding program, we drew a technographic analysis of the effects of these challenges: how they shape the whole breeding process and, in turn, the varieties that come out of it. This case study particularly highlighted both the struggle and the importance to spark and sustain farmer participation. Lack of dedicated funding, the length of the breeding process, and farmers’ feeling of illegitimacy regarding breeding activities were the major obstacles to farmer participation. In turn, low farmer participation in the early phases of the breeding process resulted in limited consideration for some of the farmer’s priority criteria and made it sometimes difficult for the project participants (activists, researchers, technical advisors…) to settle conflicts over the project’s orientations. Proactive public policies providing structural and/or financial support to this type of grassroots initiatives may be key in overcoming these issues and fostering the development of this promising new breeding regulatory status.In the concluding chapter, we discuss how our findings can contribute to the refinement of breeding strategies for intra-crop diversity. Building on our results on selfish competition and on the literature, we propose that, while maintaining a high level of diversity for a variety of functional traits, when it comes to competitive traits heterogeneous stands could target for a “productive competitive ideotype” among the genotypes that constitute them. This “productive ideotype”, as we describe it, would minimize selfish competition but should be well-adapted to organic environments. Because it should be distinct from the archetypal “heritage” and “modern” varieties, this ideotype may be a “third way” on which seed activists and peasants on the one hand, and plant breeders and researchers on the other hand, could unanimously agree, hopefully paving the way for the much-needed expansion of fruitful participatory plant breeding processes. |