Résumé : L’Union européenne consacre une attention croissante aux enjeux de la réglementation des activités numériques, en particulier depuis une dizaine d’années. Contrairement aux autres politiques publiques, son action dans ce domaine n’est pas fondée sur une base juridique dédiée dans les traités. Elle semble se développer sur un autre fondement : le postulat d’une adéquation du système juridique européen à l’appréhension des objets créés ou transformés par le numérique. En analysant les trois grands enjeux auxquels se confrontent la plupart les systèmes juridiques lorsqu’ils tentent de saisir les objets affectés par cette technologie, cette thèse évalue le bien-fondé de cette présomption d’adéquation. Pour cela, une première partie de l’étude est consacrée à l’évaluation de la capacité du système normatif de l’Union à organiser un système de droit autour de concepts et de principes qui lui sont propres et qui tiennent compte des changements structurels que le numérique a provoqué sur un certain nombre d’objets. Une deuxième partie est dédiée à l’analyse de la capacité de projection globale du droit de l’Union qui lui permettrait de surmonter le caractère intrinsèquement global des sujets que le numérique appelle à réglementer. Une troisième partie est vouée à l’étude de l’adaptabilité du droit de l’Union face à la rapidité des transformations induites par l’innovation technologique que permet le numérique. Ces trois dimensions du système juridique de l’Union européenne sont analysées par un recours à une analyse transversale qui recouvre les différents volets du droit du numérique de l’Union européenne. Une méthode systémique, alliant prise en compte des acteurs et des processus est mise à profit pour évaluer cette adéquation de manière holistique. Les spécificités matérielles et institutionnelles du droit de la concurrence, du droit du marché intérieur, de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, de la politique extérieure ou encore de la politique commerciale commune sont toutes passées au crible de cette analyse. Les conclusions auxquelles aboutit cette thèse éclairent les principales caractéristiques d’un système juridique du numérique qui n’a pour le moment pas fait l’objet d’une appréhension globale. Celles-ci devraient permettre d’en anticiper certains développements et de mieux appréhender leur évolution.