Résumé : L’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, principalement due auxactivités anthropiques, induit une augmentation de la pCO2 dans les eaux de surface océaniques quiengendre des modifications substantielles au sein du système des carbonates, un phénomène connusous le nom d’acidification des océans. Les échinides seraient particulièrement sensibles àl’acidification des océans dû au fait que ce sont des organismes osmoconformes et qu’ils édifient unsquelette constitué de calcite magnésienne, une des formes les plus solubles de carbonate decalcium. Les cidaroïdes, un clade basal d’échinides, possèdent une physiologie acide-base particulièrepar rapport à celle des autres échinides, les euéchinoïdes. Ils possèdent un pH extracellulaire bas,une pCO2 extracellulaire élevée et une alcalinité similaire à celle de l’eau de mer ; leur liquidecoelomique est donc sous-saturé par rapport à la calcite magnésienne. Ils édifient des piquantsprimaires constitués d’une couche de minéral externe, le cortex, qui, à maturité, est dépourvud’épiderme, laissant le minéral en contact direct avec l’eau de mer. La couche corticale est ensuitecolonisée par un biofilm et des épibiontes. Etonnamment, les cidaroïdes ont déjà survécu à la crised’acidification survenue au Permien-Trias et, à l’heure actuelle, certains membres de ce clade viventsous l’horizon de saturation du minéral qui forme leur squelette. Les cidaroïdes sont donc un modèleintéressant pour l’étude des mécanismes permettant aux organismes marins de faire face àl’acidification des océans. L’objectif de la présente thèse est d’étudier les caractéristiquesmorphologiques et physiologiques qui permettent aux cidaroïdes de résister aux faibles valeurs depH de l’eau de mer. Différents aspects seront abordés : (1) l’impact de l’acidification des océans surla dissolution et les propriétés mécaniques du squelette des cidaroïdes ; (2) la morphogenèse et lespropriétés du cortex en relation avec sa résistance à l’acidification des océans ; (3) le rôle desorganes de Stewart, qui pourraient être impliqués dans la régulation ionique ; (4) la chimie descarbonates, les conditions d’oxygénation et la présence d’un métabolisme anaérobique dans lecompartiment extracellulaire général occupé par le liquide coelomique.Les plaques du test du cidaroïde Eucidaris tribuloides, soumis à une diminution du pH de l’eaude mer de 0,4 ou 0,7 unités et présentant un liquide coelomique sous-saturé, n’ont pas été affectéespar la dissolution. Aucune trace de dissolution n’a pu être observée sur les piquants primaires (dû àla présence des épibiontes) mais des traces de dissolution ont été observées sur les piquantssecondaires. Cependant, les propriétés biomécaniques des piquants primaires et secondaires n’ontpas été affectées par la diminution du pH de l’eau de mer. La forte densité du cortex et la présencedu biofilm et des épibiontes sur l’ensemble de la hampe des piquants primaires constituent uneprotection qui limiterait la dissolution du minéral. En général, le squelette des piquants primaires descidaroïdes possèdent une concentration plus faible en magnésium que celui des piquants primairesdes euéchinoïdes de la même région. Cela pourrait aussi leur conférer une plus faible solubilité.Les organes de Stewart d’Eucidaris tribuloides n’ont pas présenté d’évidence ultrastructuralepermettant de leur conférer un rôle dans le transport d’ions. Lorsque les oursins ont été soumis àune diminution du pH de l’eau de mer de 0,4 ou 0,7 unités, la densité des éléments squelettiquesprésents au sein de leur paroi, les spicules, n’a pas été impactée. De même, la diminution du pH n’apas eu d’impact sur la dissolution des spicules. Cela indique que le mésothélium constitue unebarrière efficace séparant le liquide coelomique sous-saturé du squelette. La position des organes deStewart au sein de la cavité générale et la composition de leur paroi (similaire à celle des ampoulespodiales) supportent l’idée que ces organes sont impliqués dans des échanges gazeux. Ces organesseraient donc impliqués dans l’oxygénation du coelome péripharyngien, et plus particulièrement desmuscles de la lanterne d’Aristote, ce dernier baignant dans la cavité générale hypoxique.Une faible pO2 et la présence de produits du métabolisme anaérobie, le lactate et le malate,ont été mesurés au sein du liquide coelomique de cidaroïdes. Ces acides organiques sontprobablement responsables du faible pH de leur liquide extracellulaire. La concentration de cesderniers serait liée au régime alimentaire carnivore des cidaroïdes. Les faibles valeurs de pH au seindu liquide coelomique des cidaroïdes induisent un déplacement de l’équilibre des carbonates versdes concentrations en CO2 plus élevées. Ces dernières rendent les effets de l’augmentation de lapCO2 de l’eau de mer négligeables et permettent de maintenir un gradient de CO2 entre les fluidesextracellulaires et l’eau de mer.En conclusion, les cidaroïdes adultes semblent résistants à l’acidification des océans dû à leurphysiologie acide-base particulière et aux différents structures qui protègent leur squelette.