Résumé : Le Sentiment d'Efficacité Personnelle (SEP) des enseignants fait référence aux croyances que se font ces derniers de leur capacité à accomplir avec succès les tâches liées à leur mission d'enseignement. Le premier objectif de notre recherche vise à répondre aux critiques qui déplorent le manque de validation rigoureuse dont les échelles de SEP ont généralement fait l'objet. Pour ce faire, nous testons, sur base d’analyses factorielles confirmatoires, la validité de trois échelles couramment utilisées dans la littérature anglo-saxonne. La première échelle de mesure, intitulée "Teacher Efficacy Scale" (Gibson & Dembo, 1986) se compose de deux dimensions: le sentiment d’efficacité personnelle mesurant la croyance qu'un enseignant se fait de sa capacité à influencer les apprentissages des élèves, et le sentiment d’efficacité générale mesurant la croyance selon laquelle le corps enseignant est capable d'apporter des changements chez les élèves, en dépit des contraintes extérieures au milieu scolaire. La deuxième échelle intitulée "Teacher Sense of Efficacy Scale" (Tschannen-Moran & Woolfolk Hoy, 2001), mesure le SEP des enseignants selon trois dimensions: l’engagement des élèves, les stratégies d’enseignements et la gestion de la classe. Cette échelle se veut plus spécifique et davantage liée aux différentes tâches pédagogiques auxquelles sont confrontés les enseignants. Enfin, comme le SEP des enseignants n’est pas forcément uniforme à travers les différentes matières enseignées, la troisième échelle de mesure se focalise sur la perception de leur capacité à enseigner les mathématiques. Cette échelle, inspirée de la mesure de McGee et al. (2014) intitulée "Self-Efficacy for Teaching Mathematics Instrument", a été adaptée pour mieux refléter les compétences en mathématiques enseignées dans l’enseignement secondaire de la FW-B. L’échelle distingue trois groupes de compétences: les nombres, les grandeurs et le traitement de données.Une fois ces trois échelles validées, le second objectif de la thèse est d’évaluer dans quelle mesure le SEP des enseignants influence la réussite en mathématiques des élèves de 2e secondaire au CE1D. Nous examinerons l’impact potentiel des différentes dimensions du SEP et émettons l’hypothèse que le SEP des enseignants influence positivement les performances des élèves, mais que l’ampleur de la relation varie selon la dimension étudiée. Cette hypothèse est testée sur base d’une analyse statistique multiniveaux. L’intérêt de cette méthode est qu’elle permet de modéliser l’influence du SEP des enseignants tout en tenant compte des caractéristiques propres aux élèves et aux classes.Nos données sont issues d’une vaste enquête que nous avons organisée au cours de l’année scolaire 2014-2015 au sein des écoles secondaires de la FW-B. Un échantillon représentatif de 164 écoles secondaires a été sélectionné de manière aléatoire. Au sein de ces écoles, tous les élèves de 2e secondaire et leurs enseignants de mathématiques ont été invités à répondre à un questionnaire. Le questionnaire adressé aux élèves était constitué de questions sociodémographiques et d’une épreuve de mathématiques destinée à mesurer les acquis des élèves en début d’année scolaire. Le questionnaire enseignant nous a permis quant à lui de recueillir un ensemble d’information sur leur SEP, leurs attitudes et leurs pratiques pédagogiques. Enfin, grâce à une convention conclue avec l’Administration Générale de l'Enseignement et de la Recherche Scientifique de la FW-B, nous avons eu l’opportunité de coupler nos données aux résultats obtenus, par les élèves de notre échantillon, au CE1D. Notre échantillon final se constitue de 10395 élèves, 598 classes, 388 enseignants et 103 écoles secondaires. Les résultats de nos analyses factorielles confirmatoires remettent en question la validité de la "Teacher Efficacy Scale" développée par Gibson et Dembo en 1986. Ce manque de validité peut s'expliquer par le fait que, contrairement aux deux autres échelles, cette dernière ne reflète pas de manière assez précise la diversité et la complexité du métier d'enseignant. Elle ne permet donc pas de mesurer la concept de sentiment d'efficacité personnelle des enseignants tel que conceptualisé dans la théorie sociocognitive de Bandura (1997). Ces résultats confirment l'idée selon laquelle le sentiment d'efficacité personnelle des enseignants est un concept multidimensionnel qui ne peut pas se mesurer de manière globale. La mesure du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants doit être spécifiquement associée à une tâche pédagogique ou à une matière d'enseignement. Cette conclusion va dans le sens des recommandations Bandura qui précise que les croyances d'efficacité doivent être mesurées en relation avec un domaine d’activités précis. Enfin, les résultats de nos analyses multiniveau ne confirment pas la relation direct entre le sentiment d'efficacité personnelle des enseignants et la réussite scolaire des élèves. Aucune des trois dimensions étudiées ne sont significativement liées aux résultats en mathématiques des élèves de 2e secondaire.