Résumé : Le comportement d’agrégation est considéré comme le premier pas vers des niveaux de socialité supérieurs. La compréhension des facteurs clés permettant l’émergence des décisions collectives chez les groupes composés d’individus simples (ayant une connaissance limitée de leur environnement) est donc fondamentale pour étudier l’évolution de la socialité. A l’heure actuelle, la majorité des études se sont focalisées sur les espèces les plus sociales, et notamment celles formant des groupes monospécifiques. A contrario, les larves nécrophages de Diptères (asticots) forment sur un même cadavre des agrégats hétérospécifiques pouvant contenir des milliers d’individus, leur offrant divers bénéfices(production de chaleur, d’enzymes). De part ces observations in natura, ces insectes apparaissent être un bon modèle biologique dans un contexte évolutif d’étude des comportements collectifs. Ce travail de thèse s’attache à mettre en évidence et quantifier les phénomènes d’agrégations des larves de Lucilia sericata (Diptera : Calliphoridae) et les mécanismes qui sous-tendent ces regroupements. Après une description introductive des groupes hétérospécifiques chez les arthropodes, nous présentons pour la première fois la démonstration expérimentale d’un comportement d’agrégation actif des larves. Nous avons également démontré l’effet d’attraction/rétention sur les larves d’un composé cuticulaire déposé au sol par les individus et reconnu par leurs congénères. Cette reconnaissance se fait probablement via l’utilisation d’un comportement exploratoire caractéristique que nous avons décrit et quantifié : le scanning. Puis, nous avons mis en évidence la capacité des larves de deux espèces proches phylogénétiquement et écologiquement, L. sericata et Calliphora vomitoria, à faire un choix collectif en groupe monospécifique comme en hétérospécifique. Ces résultats suggèrent l’existence d’une reconnaissance interspécifique de vecteurs d’agrégation (e.g. le signal larvaire). Enfin, nous avons mis en évidence l’existence de préférendums thermiques chez ces espèces, et la capacité des larves à sélectionner collectivement cette température préférentielle. Dans son ensemble, ce travail offre des connaissances inédites sur la vie de ces groupes. Il ouvre des perspectives d’étude prometteuses sur les comportements collectifs interspécifiques et les bénéfices évolutifs liés à l’agrégation.