par Munungu Lungungu, Kevin
Référence Human rights as a basis for reevaluating and reconstructing the law (29 mai 2015: Louvain-la-neuve)
Publication Non publié, 2015-05-30
Communication à un colloque
Résumé : Performance, évaluation, processus, bonus salarial, benchmark, standardisation, productivité, qualité… Ces termes propres au monde de l’entreprise prennent une place sans cesse grandissante au sein des appareils judiciaires européens sous l’effet des diverses réformes initiées tant par le pouvoir politique que par les acteurs judiciaires. Bien que décidées et mises en œuvre dans des contextes politiques différents, ces réformes reposent sur la conviction que la justice est un service public dont le fonctionnement, jugé archaïque, doit être adapté afin de rencontrer les attentes de ses usagers et de maîtriser les fonds publics qui lui sont alloués. Pour cela, elle gagne à être appréhendée comme une organisation chargée de transformer, à moindre coût, des moyens financiers, humains et matériels (inputs) en des décisions de justice (outputs) et doit accroître ses performances en intégrant en son sein la logique managériale, soit une logique tournée vers les résultats et la maîtrise des coûts.Ces aménagements ont été opérés dans de nombreux systèmes (aussi bien romanistes, germanistes, anglo-saxons que scandinaves), y compris dans les pays d’Europe centrale et orientale notamment sous l’influence de la Commission européenne. Certains auteurs en ont également identifié des traces au sein des juridictions internationales comme la Cour pénale internationale ou le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Ces réformes constituent-elles de simples aménagements destinés à améliorer l’exercice de la mission traditionnelle de juger par les magistrats ou contribuent-elles, au contraire, à imposer une nouvelle approche de la fonction de juger qui rompt, partiellement ou totalement, avec cette conception traditionnelle ? C’est à cette question que nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse dans la présente contribution au départ des évolutions constatées en la matière en Belgique et, plus précisément, de la mise en place du contrat de gestion pour régler le financement des juridictions par le pouvoir politique. Cette réforme constitue le dernier volet du projet plus global de modernisation du paysage judiciaire de la Ministre de la Justice Annemie Turtelboom et est destiné à être mise en œuvre au cours de cette législature… à moins qu’elle ne soit annulée par la Cour constitutionnelle, actuellement invitée à se prononcer sur sa compatibilité avec la séparation des pouvoirs.Nous tenterons d’illustrer, au départ de l’exemple du contrat de gestion, l’hypothèse générale suivant laquelle les réformes managériales de la justice ne sont pas réductibles à la mise en place d’une série de gadgets afin d’accélérer les procédures ou de maîtriser les ressources dévolues aux juridictions dans une perspective pragmatique et fonctionnelle. Elles contribuent progressivement à adapter le comportement des juges dans l’exercice de leurs compétences juridictionnelles aux valeurs managériales et aboutit, par ce biais, à imposer une certaine conception de l’office du juge. Cette conception est dite ‘économique’ parce qu’elle conçoit la fonction de juger comme une activité économique qui doit être efficace, efficiente et satisfaire les attentes des clients dont le juge doit trancher les différends afin de rétablir la paix sociale.