par Devroey, Jean-Pierre
Référence Vers une anthropologie des catastrophes, 9e Journées anthropologiques de Valbonne (22-23-24 mai 2007: Valbonne)
Publication Non publié, 2007-05-23
Communication à un colloque
Résumé : En tant que période historique, le début du Moyen Âge est étroitement associé depuis Gibbon (1776) à l’idée de déclin et de catastrophe consécutives à la ‘chute’ de l’Empire romain sous les coups des Barbares. Alors que l’historiographie contemporaine a révisé cette image du Haut Moyen Âge comme un Dark Age, préférant employer le concept d’Antiquité tardive qui privilégie les idées de transition et de continuité des institutions politique et religieuses de l’Occident, l’impact démographique des ‘Grandes invasions’ et leurs conséquences ont été fortement relativisés. Chez les historiens de l’économie, le jugement d’ensemble sur les conditions de vie matérielle des populations médiévales est toutefois resté très sombre, notamment après la première synthèse des données historiques et archéologiques tentée par Fossier et Chapelot en 1980, débouchant sur une vision ‘catastrophiste’ de l’économie du Haut Moyen Âge, avant les transformations de l’an Mille. Ce pessimisme est lui-même combattu avec vigueur par les historiens qui plaident pour la vision d’une ‘longue croissance’ des économies européennes débutant au VIIe-VIIIe s. (Toubert, 2004). Ces deux approches n’écartent pas l’idée d’une profonde dépression de l’économie européenne touchant son nadir au VIe s. Grâce à une nouvelle génération d’historiens alliant leur discipline à l’archéologie et au renouvellement des données archéologiques résultant de l’apport des techniques d’investigation scientifiques et de l’archéologie préventive (Horden, Purcell, 2000 ; McCormick, 2001 ; Wickham, 2005), on dispose aujourd’hui de bases beaucoup plus solides pour évaluer les conséquences d’événements ‘catastrophiques’ du VIe s. comme les dégradations climatiques et les pandémies (Peste ‘justinienne’ et variole). L’A. conclut provisoirement dans une synthèse récente (Devroey, 2003) à une montée de l’inculte en Europe occidentale, au tournant de l’antiquité et du moyen âge (IIIe au VIe siècles), qui induit aussi une modification de la perception culturelle de la nature. C’est un nouvel équilibre entre l’homme et la nature qui est atteint pendant cette période où l’exploitation l’inculte est capitale, prenant la place du modèle agricole céréalier antique. Cette rétractation des espaces cultivés aurait été de pair avec une décroissance démographique difficilement quantifiable, point de départ d’une nouvelle phase d’expansion.