Résumé : Durant la Première Guerre mondiale, environ 25 000 soldats italiens faits prisonniers lors de la bataille de Caporetto sont envoyés à l’arrière du front occidental dans les territoires belges et français que les Allemands occupent depuis 1914, condamnés à travailler pour leur ennemi. Plus de deux mille d’entre eux y succombent, leurs sépultures étant réparties dans plus de cent-cinquante localités différentes. Dès avant la fin de la Grande Guerre, divers hommages sont rendus à ces militaires morts en captivité. Mais après 1922, le régime fasciste entreprend d’effacer l’histoire de la captivité italienne. Ainsi, durant le « ventennio fascista », les cimetières belges et français contenant des sépultures italiennes deviennent des scènes politiques où est ardemment transmise la (ré)vision fasciste de l’histoire militaire italienne. L’article vise donc à identifier la transformation des pratiques cérémonielles italiennes déployées entre 1918 et 1940 en Belgique et en France. Afin de comprendre les particularités de ce travail politique, on décrira d’abord les discours dont les prisonniers de Caporetto furent l’objet jusqu’à l’avènement du fascisme. Par comparaison, on identifiera ensuite les inventions cérémonielles des représentants du fascisme s’exprimant dans les cimetières belges et français ; ainsi, on présentera trois dispositifs d’élision de la captivité italienne qu’ils y mirent en œuvre durant l’entre-deux-guerres. La conclusion évoquera la portée de cette politique mémorielle fasciste dans la seconde moitié du vingtième siècle.