par Lefebvre, Pauline
Référence Journée d'étude du GC FNRS Architecture et Sciences Humaines "Régénérations" (29/05/2024: Faculté d'architecture, Université de Liège)
Publication Non publié, 2024-05-29
Communication à un colloque
Résumé : Les matériaux que l’on appelait volontiers “écologiques” se voient aujourd’hui qualifiés de “régénératifs”. Ces qualificatifs englobants en cotoient beaucoup d’autres, plus restrictifs mais aussi plus précis, tels que “géo- ou bio-sourcés”, “à faible transformation”, “locaux”, “bas-carbone”, “circulaires”, etc. Le qualificatif “régénératif” a creusé sa place dans le champ de la conception urbaine et architecturale comme alternative aux approches solutionnistes reprises sous les vocables “durable” ou “soutenable” ; il qualifie des approches visant non seulement à limiter les dégâts mais aussi à engager une dynamique dite “positive”, incluant des processus de restauration ou de réparation, a priori plutôt à l’échelle de systèmes complexes tels qu’un territoire. C’est en cascade que le terme “régénératif” se met à porter sur les matériaux. Il le fait en des sens qui varient largement. (a) Dans son sens premier, la régénération est la capacité matérielle, biologique, à se reconstituer après un dommage : c’est le cas, très spécifique, de fonges ou de bactéries qui peuvent être activées dans des opérations de réparation des matériaux. (b) Dans un sens beaucoup plus général, la régénération renvoie au fait de participer à l’amélioration d’un système donné, comme c’est le cas, par exemple, du passage d’une logique linéaire à une logique circulaire. Je propose ici d’interroger les changements potentiellement engagés par ces matériaux dits “régénératifs” par rapport aux pratiques de maintenance qu’ils requièrent. Les matériaux géo- et biosourcés, faiblement transformés, présentent un besoin élévé en maintenance. Dans la majorité des cas, ce besoin est perçu comme un obstacle, mais il est parfois – de manière encore très marginale – activé comme un potentiel de transformation radicale de notre culture constructive. Le plus souvent, ces matériaux sont appréciés parce qu’ils sont “durables” (soutenables) mais dépréciés comme peu “durables” (solides), en fonction du sens que prend ce terme ambigu. Le qualificatif “régénératif” contribue – malgré ou grâce à ses imprécisions sémantiques – à inclure cette considération : pour durer, un bâtiment doit sans cesse se régénérer ou être régénéré ; durer c’est se maintenir, c’est être maintenu. Si ces matériaux (comme tout matériau, dans des mesures qui varient) nécessitent des remplacements et un soin réguliers, il faut s’assurer que les ressources nécessaires restent disponibles, c’est-à-dire se maintiennent et se renouvellent : tant les matériaux eux-mêmes que la communauté humaine qui prend soin dans le temps des bâtiments et améganements. Cette présentation porte plus particulièrement sur les manières d’enquêter sur cette question des transformations potentielles de notre culture constructive autour de la maintenance des matériaux biosourcés : comment enquêter, auprès de qui, en quels lieux, à quels moments ?