Résumé : Le 17 mai 2017, l’Union européenne et l’Ukraine signent un accord sur la libéralisation du régime des visas octroyant aux citoyens ukrainiens munis d'un passeport biométrique le droit de se rendre sans visa dans les États membres de l'espace Schengen pour de courts séjours. L’obtention d’un tel accord fait suite à la mise en œuvre par l’Ukraine de réformes encadrées par un « plan d’action pour la libéralisation du régime des visas » reçu à la fin 2010. Celles-ci couvrent un large éventail de politiques ayant trait aux matières « justice et affaires intérieures », parmi lesquelles le contrôle de la migration et des frontières occupent une place centrale. La thèse entend tout d’abord dépasser la vision de la libéralisation des visas comme simple levée des obstacles à la circulation des ressortissants de pays tiers vers l’UE. À ce titre, elle propose d’envisager cette politique comme une modalité d’intervention sur l’État en tant que régulateur des mobilités, qui a pour effet de reconfigurer celui-ci, de travailler sa relation avec la population et de façonner des sujets plus ou moins mobiles, des sujets (im-)mobiles. La thèse propose également de renouveler les approches de la libéralisation et de l’action extérieure de l’UE. Elle examine ainsi les interactions multiples entre les programmes et pratiques d’intervention de l’UE d’une part, et un large panel d’acteurs européens, internationaux et ukrainiens d’autre part. Ce faisant, elle met en lumière les dynamiques d’appropriation, de traduction et de conflit, tout en soulignant la manière dont la libéralisation redéfinit les contours de l’européanité et de l’appartenance à l’Europe. La thèse s’appuie sur une enquête multi-située menée entre Bruxelles, Kyiv et la région ukrainienne de Transcarpathie entre 2018 et 2021, ainsi sur une stratégie de collecte de données plurielle (entretiens, observations, analyse de documents).
On May 17, 2017, the European Union and Ukraine signed a visa liberalization agreement granting Ukrainian citizens holding biometric passports the right to short-stay visa-free travel to Schengen member states. The agreement follows Ukraine's implementation of reforms contained in a "Visa Liberalization Action Plan" received at the end of 2010. These cover a wide range of "justice and home affairs" policies, among which migration and border control are central. The thesis aims to move beyond the vision of visa liberalization as simply the removal of obstacles to the movement of third-country nationals into the EU. As such, it proposes to consider this policy as a modality of intervention on the state as a regulator of mobilities, which has the effect of reconfiguring the state, transforming its relationship with the population and shaping more or less mobile - (im-)mobile - subjects. The thesis also advances a renewed approach to visa liberalization and the EU's external action. It sheds light on dynamics of appropriation, translation and conflict, while highlighting how liberalization redefines the contours of Europeanness and belonging to Europe. The thesis is based on a multi-sited inquiry conducted between Brussels, Kyiv and the Ukrainian region of Transcarpathia between 2018 and 2021, as well as on a mixed data collection strategy (interviews, observations, document analysis).