par Bohn, Jossfinn ;Bomans, Bastien;Duriau, Nicolas ;Lucca, Siân;Peel, Stephanie ;Viérin, Marie
Référence Sophia Colloquia Gender Studies in Belgium: a State of the Art (2021-10-21: Bruxelles, en ligne, organisé par the Belgian Gender Studies Network)
Publication Non publié, 2021-10-21
Communication à un colloque
Résumé : [FR] Dans les universités belges francophones comme en France (Lasserre, 2016), les études de genre continuent d’être marginales, et particulièrement dans le domaine des études littéraires, une discipline elle-même dévaluée par les institutions universitaires, de plus en plus soumises à des impératifs économiques et sociaux auxquels la littérature est, paraît-il, étrangère. Longtemps, le gender est passé pour un américanisme insupportable, inutile et même intraduisible (Fougeyrollas-Schwebel et al., 2003). Un tel évincement demeure étonnant, au vu des liens que les études de genre entretiennent avec la littérature et la recherche françaises. On sait combien le féminisme matérialiste a participé à l’appréhension du genre en tant que construction sociale (Delphy, 1975) en France et le rôle qu’a joué la French Theory, tirée des travaux de Beauvoir, Derrida ou Foucault, dans la construction des gender studies (Butler, 1990). C’est d’ailleurs une œuvre française, À la recherche du temps perdu de Proust, qui a servi de matériau aux premières théorisations queer (Sedgwick, 1990). De plus, l’existence d’une tradition francophone d’histoire des femmes et des homosexualités, dont les études littéraires ont pu s’enrichir (Planté, 1989 ; Fernandez, 1989), aurait pu favoriser l’accueil aux concepts anglo-saxons dans la discipline.Dans ce contexte de paradoxes et de conflits à la fois théoriques et politiques, les chercheur·ses francophones ambitionnant d’entrecroiser le genre et la littérature sont très souvent confronté·es à deux problèmes, au moins. D’une part, il leur est nécessaire d’appréhender des concepts épistémologiques et des procédés méthodologiques au croisement de disciplines extralittéraires et de traditions linguistiques étrangères. Ainsi, comment s’outiller adéquatement ? Quelles théories ou méthodes adopter pour produire, au moyen des études de genre, de nouveaux savoirs sur la littérature ? De quels outils rhétoriques et didactiques s’équiper pour justifier une telle démarche dans un champ académique qui dévalorise ces savoirs en les réduisant à des partis pris idéologiques ? D’autre part, et à l’inverse, il est indispensable à ces chercheur·ses de réfléchir aux pouvoirs de la littérature : que peut-elle transmettre aux études de genre ? Si la littérature est « partie prenante d’un travail des représentations [...] où se produisent (se manifestent et se fabriquent) les conflits relatifs aux normes de sexe et aux effets de pouvoir qui s’y attachent » (Lotterie, 2016), les études littéraires, oubliées des études genre en francophonie, ne doivent-elles pas s’emparer de ces questions pour enrichir originalement ce champ interdisciplinaire ?Pour répondre à toutes ces questions, nous avons organisé deux journées de conférences, tables-rondes et workshops adressés aux doctorant·es et étudiant·es en littérature (octobre 2021). Notre communication, à six voix, sera l’occasion d’opérer un retour critique sur cette expérience, de tracer les contours de la recherche croisant genre et littérature en Belgique, et d’envisager son avenir et ses potentialités.