Résumé : [FR] Bien qu’historique, l’essai que propose Michel Brix est d’une actualité brûlante : en cherchant en effet à « mettre au jour les enjeux, aujourd’hui voilés, du libertinage des Lumières » (p. 13), il participe à dénoncer les violences sexuelles que subissent encore aujourd’hui les femmes. Il rejoint en cela certains courants féministes actuels, aux yeux desquels ont été masqués, sous les attraits d’une tradition libertine « à la française », les abus dont les hommes se sont historiquement rendus coupables. À la dénonciation des faits, l’auteur adjoint donc une critique du discours historiographique : puisqu’ils travestissent volontiers ces violences en « fredaines » (p. 112), les exégètes instituent, volens nolens, une « violence symbolique » à l’encontre des femmes. Interrogeant sous cet angle l’histoire des lettres, l’auteur intègre un champ de recherches absolument novateur ; en témoigne, en 2019, le colloque intitulé « Désir, consentement, violences sexuelles en littérature : quelles méthodes d’analyse littéraire ? quels enjeux pour la discipline ? ». Parce que la place publique et, de là, les libertés sexuelles sont des privilèges essentiellement masculins, Michel Brix établit, jusqu’alors à raison, que le projet libertin sous-tend une inégalité, voire une « guerre des sexes » (p. 13). « En amour, l’homme met sa gloire à conquérir, et la femme à résister » (p. 39), si bien qu’en cédant aux avances du premier, la seconde est « la première coupable », assure Érica-Marie Benabou dans son étude sur la prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle. Aussi le libertinage des Lumières reflète-t-il un « fantasme phallocentrique » (p. 50) ou, comme l’écrit Mathilde Cortey, « un monde où l’imaginaire [...] repose sur le schéma de la domination masculine ». Si la thèse ainsi défendue par l’auteur est certainement fondée, l’argumentation qui la soutient nous semble toutefois, comme à François-Ronan Dubois, étrangement spécieuse.