Résumé : Un droit africain des affaires harmonisé ; des investissements sécurisés par le droit. Telle est l’ambition de l’OHADA. L’efficience de cette ambition tient en partie de l’efficacité du droit des entreprises en difficulté, car ce droit que l’on pourrait qualifier de droit de la pénurie est au cœur des préoccupations des investisseurs, qui sont les créanciers actuels ou potentiels. Justement, cette thèse décrypte et met en perspective le régime de protection des créanciers. Elle évalue le niveau et les garanties de protection à eux accordées dans les procédures de l’Acte uniforme portant sur les procédures (collectives) d’insolvabilité (AUPC) révisé de 2015. Sur fond d’une démarche méthodologique mêlant technique juridique et théorie analytique du droit, l’analyse, sans opter pour le droit comparé au sens strict, sollicite souvent les droits belge et français lorsqu’il s’agit de préciser certains concepts ou de proposer des solutions, le cas échéant. Le résultat de la synthèse est pour le moins mitigé. Si l’on peut notamment déplorer l’approche douteuse en matière de délais impératifs de déroulement des procédures, le régime superficiel des procédures simplifiées et l’absence explicite d’interdiction des paiements dans les procédures curatives, le régime général de protection, applicable à tous ou à la plupart des créanciers, est dans l’ensemble satisfaisant. Les conditions d’ouverture et les effets des procédures sont mieux précisés, les procédures sont plus rapides, mieux encadrées et devraient être moins coûteuses, et l’aspect international est moderne. S’agissant des garanties, les privilèges pourraient dans l’ensemble être améliorés. Le privilège de la masse profite parfois à des créances non utiles à la procédure. Le privilège de l’argent frais est soumis à la discipline collective, il peut diminuer l’attrait de la conciliation à cause de la publicité qu’il impose, et une polémique entoure la validité du privilège en cas de conversion de la procédure initiale en une procédure autre que la liquidation des biens. Avec son privilège général, le salarié est un créancier quasi chirographaire et la garantie de paiement de son superprivilège est parfois illusoire. Pourtant, les pouvoirs publics, eux, sont surprotégés bien qu’étant de simples titulaires d’un privilège général. Les sûretés réelles conventionnelles sont en revanche redoutables : leurs titulaires sont à l’abri des abattements de créances, des délais de paiement, bénéficient d’un bon rang de paiement, et tout ou partie de l’entreprise ne peut en principe être cédée que s’ils ont été désintéressés. Mieux encore, les sûretés réelles conférant l’exclusivité font échapper les créanciers au concours. Dans un autre registre, les sûretés personnelles interrogent en raison d’une inversion des rôles. En effet, les garanties autonomes sont parfois rétrogradées en garanties accessoires, tandis que les garanties accessoires souscrites par des personnes morales sont élevées au rang de garanties quasi autonomes. Les garanties issues de la connexité des rapports personnels sont quant à elles tenaces. L’action directe, l’exception d’inexécution, l’action oblique et l’action paulienne sont en règle générale admises. Et si l’action ut singuli des créanciers en reconstitution du gage commun est incertaine, la compensation est un véritable mode de (non-)paiement selon l’époque à laquelle on se place. En tout état de cause, en dépit du fait que l’on peut regretter de grands absents, des suppressions regrettables et des innovations incomplètes, l’AUPC révisé de 2015 corrige de nombreuses imperfections de son prédécesseur de 1998. À ce titre, il offre un cadre juridique beaucoup plus attractif de sécurisation des investissements dans l’espace OHADA.