Résumé : La déstabilisation de la société salariale a entraîné la remise en question de la relation traditionnelle bipartite d'emploi. Les entreprises modernes font appel à certaines formes d'externalisation, créant ainsi plusieurs modèles de triangulation des relations de travail, dont la sous-traitance de la main-d’œuvre est un exemple. Contrairement à d'autres pays ayant procédé à des régulations « de droit » et «de fait» de cette nouvelle forme d'emploi, en Tunisie, la sous-traitance de la main-d’œuvre s'est développée sans réglementation spécifique. Des tentatives doctrinales et jurisprudentielles ont été faites pour combler ce vide juridique.En raison de la triangulation des relations de travail, nous observons qu’en plus de l’ingérence « de droit », il y a une ingérence « de fait » du client dans les relations de travail qui a accentué la dégradation des conditions de travail des travailleurs dans le nettoyage, un secteur emblématique de cette externalisation. En effet, les horaires atypiques de travail des travailleurs mentionnés mettent en péril leur santé et aboutissent à la désynchronisation entre leurs temporalités professionnelles et leurs temporalités sociales. Ces mêmes personnes sont également exposées à une diversité de risques professionnels pour lesquels ils sont insuffisamment protégés. Lorsqu’il s’agit des femmes, elles sont particulièrement confrontées à des risques spécifiques liés à l'insécurité pendant leur déplacement pour aller au travail ou pour rentrer chez elles. Qu’il s’agisse des hommes ou des femmes, les conditions de travail des travailleurs de nettoyage ont été fortement impactées par la crise de la COVID-19.Toutefois, plusieurs facteurs peuvent intervenir pour améliorer les conditions de travail des travailleurs de nettoyage. Parmi ces facteurs nous citons, la solidarité et la bonne qualité des relations interpersonnelles, la revendication individuelle des droits ainsi que la revendication dans le cadre de syndicats adaptés ainsi que le développement d'actions alternatives telles que la mobilisation collective. Ces actions, même si elles sont limitées, démontrent que les travailleurs du nettoyage ne sont pas tous des victimes, mais certains parmi eux agissent et se positionnent comme des acteurs qui tentent d’avoir un certain contrôle sur les conditions dans lesquelles ils exercent le métier de nettoyage.