Résumé : La formation d’agrégats est un phénomène observé dans de nombreux systèmes physiques, chimiques ou biologiques. Dans les systèmes sociaux, le grégarisme est présent des unicellulaires aux vertébrés. Chez les arthropodes, l’agrégation est impliquée dans de nombreuses activités et coopérations et sous-tend des organisations plus complexes. La décision de s’agréger est médiée par des interactions conduisant les individus à rejoindre des conspécifiques et à rester en contact et ce souvent en des endroits particuliers du milieu. La stochasticité des comportements et des interactions ainsi que leur modulation par des facteurs environnementaux (température, humidité, …), sociaux (population, démographie, …) et individuels (physiologie, histoire de vie, …) sont à l’origine de la diversité des patterns d’agrégation au sein d’une espèce.L’objectif de notre thèse est de quantifier les patterns d’agrégation et les mécanismes à leur origine (comportements et interactions/feedbacks sociaux) chez Periplaneta americana (espèce modèle pour l’étude du grégarisme). Dans des situations de choix binaire (deux abris de qualités différentes et/ou variant temporellement) nous avons étudié, expérimentalement et théoriquement, l’influence des préférences individuelles et des feedbacks sociaux sur les dynamiques de choix d’individus isolés et en groupe. La première partie de ce travail est consacrée aux choix entre deux sites se différentiant soit par leur présence ou pas de l’odeur de vanilline, soit par leur humidité relative. Ces études, focalisées sur la modulation des réponses individuelles en fonction du contexte social, ont mis en évidence, que si bien la préférence individuelle n’est pas amplifiée par le groupe, les individus forment des agrégats tout de même. D’une part, la préférence individuelle à vanilline est inversée par le contexte social et, d’autre part, l’humidité relative module négativement les interactions sociales. La second partie du travail, porte sur le choix entre un site odorant (beurre d’arachide) et un non odorant. Ces expériences montrent qu’un groupe hétérogène (par rapport aux préférences individuelles pour l’abri odorant) arrive à un consensus et celui-ci peut être gouverné par une minorité d’individus si ceux-ci présentent un comportement marqué. Le troisième volet de cette thèse met en évidence que face à un environnement variable, inversion de luminosité entre les abris, une mémoire collective dans les groupes émerge grâce aux interactions sociales. Enfin, une approche théorique, explore les liens entre les réponses collectives et des feedbacks (naturels ou artificiels) modulant les probabilités d’entrer dans ou de sortir des abris. Dans le cas des feedbacks artificiels, ceux-ci pouvant être introduits pour gérer des espèces sociales et non sociales.Bien que cette thèse soit consacrée à la blatte Americana, les patterns, leur diversité et mécanismes à leur origine, mis en évidence ici, sont sans doute partagés, ainsi que leur valeur adaptatives, par de nombreuses espèces.