Résumé : La thèse interroge « comment la financiarisation du marché locatif privé crée-t-elle de nouveaux marchés résidentiels, trouble-t-elle les politiques urbaines et s’exprime-t-elle dans les pratiques résidentielles des locataires concerné·es ? » Elle prend comme cas d’étude la niche immobilière du coliving bruxellois, une forme de logement partagé meublé de standing accueillant majoritairement des jeunes expatrié·es pour de relativement courtes périodes. Suivant la démarche de l’« étude de cas élargie », la thèse vise ainsi à explorer plus largement les transformations du marché locatif privé à l’échelle intra-urbaine, ses logiques de financiarisation, ses relations avec la réglementation urbanistique et les interactions entre la flexibilisation du marché du travail et le marché du logement.D’abord, le coliving représente une déclinaison du logement de type étudiant à destination des jeunes adultes. Pour le rendre attractif, les opérateurs promeuvent un accès facilité au logement partagé, un entre-soi communautaire et inspirant, et une vie branchée dans des quartiers valorisés. De cette façon, ils contribuent à restreindre artificiellement le champ des possibilités des jeunes expatrié·es en présentant leur offre comme la plus adaptée à ces dernièr·es à Bruxelles. Ces acteurs se placent ainsi dans une situation de monopole, qui leur permet de tirer une rente élevée des chambres louées.En effet, le coliving bruxellois est façonné de sorte à assurer des rendements attractifs par des loyers élevés, des délais de développement courts, des logiques de réduction des coûts et une adaptation géographique de l’offre en fonction des opportunités à l’échelle internationale et intra-urbaine. Le coliving bruxellois démontre que la financiarisation concerne également le bâti ancien des quartiers centraux, en contribuant à la gentrification de ces espaces. Le secteur témoigne aussi de la diversité des acteurs impliqués dans ce processus. Les sociétés opératrices y jouent un rôle central. Certaines sont uniquement chargées de la gestion des biens qu’elles louent. Dans ce cas, leurs propriétaires sont des individus des classes supérieures bruxelloises, en recherche d’un investissement immobilier rentable et sans tracas. D’autres sociétés détiennent par contre le foncier qu’elles opèrent. Pour lever le capital nécessaire, elles s’adressent à des investisseurs de taille modérée ou à des acteurs financiarisés de grande ampleur, parfois étrangers.Par ailleurs, le développement rapide du coliving bruxellois profite d’une faille de la réglementation urbanistique. Les sociétés du secteur opèrent rapidement dans une zone grise de la législation dont la régulation est centrale pour leurs activités. La définition floue de ce type de logement complique le processus de régulation entamé par les pouvoirs publics, influencés également par le lobby important de ces sociétés opératrices. Ces dernières peuvent ainsi être analysées comme relevant de l’entrepreneuriat réglementaire. De cette façon, le coliving permet de documenter les interactions entre réglementation urbanistique, nouveaux produits résidentiels et pouvoirs publics.Enfin, le coliving représente un logement transitoire à destination des jeunes expatrié·es présent·es à Bruxelles. Ceux et celles-ci cherchent d’abord un logement partagé pour s’assurer une sociabilité dans une ville où illes n’ont pas de réseaux sociaux. Leur insertion contrainte au sein de la colocation classique les conduit à adopter pour le coliving, qui leur offre un entre-soi attractif et l’accès à des « biens de club ». En outre, les établissements de coliving sont le support d’une sociabilité accélérée grâce à différents dispositifs mis en place par leurs opérateurs. Le coliving témoigne de cette manière des contraintes pesant sur les trajectoires résidentielles des jeunes adultes liées à la flexibilisation du marché du travail, qui me matérialisent notamment par des carrières professionnelles incertaines et mobiles.