Résumé : Dans la présente dissertation, nous avons focalisé nos efforts sur l'analyse du discours de violence, entendu ici comme la possession du matériau langagier par les personnages au sein de la trame narrative pour indisposer sinon humilier le partenaire de l'échange ou l'adversaire. Car, en marge de la violence physique décrite dans Le Croissant des larmes, La Chorale des mouches, L'ex-père de la nation et Le Pleurer-Rire, romans de la dictature qui construisent notre corpus et qui ont paru dans la période postcoloniale, les attaques verbales dirigées contre la personne de l'allocutaire par l'instance énonciative sont bien récurrentes dans l'univers fictionnel et ainsi les théories linguistiques relatives à ce que l'on a appelé l'analyse du discours dans l’espace francophone européen s'y prêtent bien pour la simple raison qu'il n'y a pas de barrière entre linguistique et littérature. Placée au carrefour de plusieurs disciplines, l'analyse du discours recourt ainsi à plusieurs approches méthodologiques : la sociocritique nous a permis de découvrir que les querelles entre les différents groupes sociaux dans les livres naissent des intérêts respectifs à gagner et à sauvegarder. Mais surtout, l'analyse structurale nous a amené au dévoilement des constructions syntaxiques et lexicales sur lesquelles reste assise la violence verbale : elle surgit d'un camp vers un autre dans les formulations chargées d'insultes, des attaques ad hominem, des déclarations porteuses de dénigrement et doublées d'impolitesse, des expressions traduisant la puissance dominatrice et écrasante de l'énonciateur, des répliques agressives pour disqualifier l'adversaire, ou même des ambiguïtés langagières et des mensonges formulés pour désorienter les opposants ou le peuple. Grâce à l'analyse sémantique, nous avons compris qu'un énoncé ou groupe d'énoncés apparemment banals peuvent cacher une sourde agression. Mais aussi, l'étude nous aura permis de découvrir que le discours de violence vise souvent des objectifs perlocutoires : par des stratégies rhétoriques ou stylistiques que Marc Angenot range globalement sous le concept de terrorisme , les acteurs politiques versés dans les arcanes du pouvoir essaient de contraindre leurs partenaires de dialogue ou même le peuple entier à répondre à leurs désirs. Aussi, dans ce contexte, le phénomène de polyphonie n’est pas seulement réductible à la graphie multimodale sous laquelle apparaissent les textes cités, elle ne fait pas seulement allusion au discours rapporté qui laisse entendre plusieurs voix, mais elle désigne encore et surtout des sons discordants qui déchirent la société du livre minée par de permanentes tensions. C'est alors que nous avons compris que l'intertextualité apparaît ici comme un désir partagé par les écrivains de notre corpus, celui de dénoncer à haute voix un système politique qui dérange dans tous ses aspects pour arriver peut-être à sa totale éradication.