Résumé : “[...] Cette frontière-là, entre les lecteurs et les autres, est plus fermée encore que celle de l'argent. Celui qui est sans argent manque de tout. Celui qui est sans lecture manque du manque.” (Christian Robin, Une petite robe de fête)Plus aucun professeur, parent, ni éducateur n’est étranger aujourd’hui à la notion de dyslexie. Nous en entendons régulièrement parler, que ce soit dans les informations ou dans notre entourage. Ce trouble spécifique des apprentissages est un des troubles développementaux les plus diagnostiqués et les plus étudiés (Barbiero et al., 2019; B. A. Shaywitz et al., 2015; S. E. Shaywitz, 1998), touchant à lui seul 80% des personnes ayant un trouble des apprentissages (Lerner, 1989). Si l’enfant présentant une dyslexie n’est pas convenablement accompagné, celle-ci peut avoir des conséquences handicapantes pour lui, allant d’un retard scolaire important, jusqu’à un décrochage scolaire. De plus, comparativement à la population courante, on observe 2 fois plus de risques de troubles dépressifs et 3 fois plus de risque de troubles anxieux chez les enfants dyslexiques (Schulte-Körne, 2010). Après plus de 100 ans de recherche dans ce domaine, force est de constater que de nombreuses théories visant à expliquer sa cause ont vu le jour, mais aucune n’a encore remporté le consensus de la communauté scientifique. Initialement, la recherche s’est principalement intéressée à de potentielles causes de la dyslexie liées à la modalité visuelle (Lachmann & Weis, 2018). Toutefois, au fil des années, cette hypothèse a petit à petit été abandonnée, au profit de potentielles causes liées à la modalité auditive. En effet, de nombreuses études ont observé un déficit des capacités phonologiques (i.e., capacité à percevoir, à découper et à manipuler les unités sonores du langage telles que la syllabe, la rime, le phonème) chez les personnes présentant une dyslexie. Enfin, comme le lien entre les capacités de traitement phonologique et la perception de la parole est connu (McBride-Chang, 1995), tout un pan de la recherche sur la dyslexie s’est employé à trouver des déficits de perception de la parole chez les dyslexiques. Certains groupes de recherche ont alors pu observer que des enfants dyslexiques présentent un déficit de perception de la parole dans le bruit comparativement à leurs contrôles en âge (Boets et al., 2011; Calcus et al., 2015; Chandrasekaran et al., 2009; Nittrouer et al., 2018; Ziegler et al., 2009).Les travaux de cette thèse ont eu deux principaux objectifs : 1) le premier était d’appréhender le lien qui existe entre les capacités de lecture et les capacités de perception de la parole dans le bruit (Chapitre 2.B). 2) Le second visait à déterminer s’il était possible de distinguer les enfants dyslexiques de leurs contrôles en âge et/ou en lecture sur la base de leurs capacités de suivi cortical de la parole? (Chapitre 2.C). Si tel était le cas, cela pourrait donner lieu à la création d’un nouvel outil présentant potentiellement l’immense avantage de permettre de détecter précocement les enfants atteints de dyslexie, et ce, au moyen d’un outil non-invasif mais aussi ludique pour les enfants. Parallèlement, en plus de ces deux principaux objectifs, nous avions aussi un objectif plus pragmatique ; si un tel outil de diagnostic clinique devait voir le jour, l’EEG (qui est bien plus courant que la MEG) permettrait-il d’évaluer le suivi cortical de la parole aussi bien que la MEG (Chapitre 2.A). Pour donner sens à ces différents travaux, le contexte historique et bibliographique de ceux-ci est abordé au début de cette thèse (Chapitre 1). Nous y aborderons le développement “normal” des capacités de lecture (Chapitre 1.1), ainsi que le trouble spécifique de son apprentissage (Chapitre 1.1.2) et leurs liens avec le langage oral. Nous verrons de quelle manière le cerveau décrypte un signal acoustique (Chapitre 1.2) et comment il traite le langage oral (Chapitre 1.3). Enfin, nous aborderons les similitudes et les différences existant entre la MEG et l’EEG (Chapitre 1.4). Pour finir ce travail de thèse, une synthèse des résultats de ces différents travaux sera proposée et discutée au regard de la littérature actuelle (Chapitre 3).