Thèse de doctorat
Résumé : La chémérine est un médiateur de l’inflammation impliquée notamment dans lechimiotactisme des cellules présentatrices d’antigènes. Elle joue un rôle important dans la miseen place des réponses immunitaires innées et adaptatives. En 2003, la chémérine a été identifiéecomme un ligand endogène de CMKLR1, un récepteur couplé aux protéines G exprimé à lasurface des cellules dendritiques, des macrophages et des cellules tueuses naturelles. Elle estproduite sous la forme d’un précurseur « inactif », la prochémérine, qui nécessite un clivageprotéolytique de ses 6 ou 7 acides aminés C-terminaux pour générer des formes « bioactives »sur CMKLR1. En 2008, deux autres récepteurs de la chémérine ont été identifiés : GPR1 etCCRL2. Cependant, les propriétés fonctionnelles et les rôles physiologiques des deuxrécepteurs ont été peu étudiés. L’hypothèse actuelle, concernant le rôle de GPR1, est celle d’unrécepteur atypique de type « leurre » régulant localement la concentration de chémérine.L’objectif de ce travail est de poursuivre la caractérisation du récepteur GPR1.Dans la 1ère partie, une étude comparative des propriétés de signalisation des troisrécepteurs humains de la chémérine a été réalisée. Nous avons montré que la chémérine se liesur les trois récepteurs avec une haute affinité, mais avec une contribution différente del’extrémité C-terminale. Celle-ci semble plus importante pour GPR1 que pour CMKLR1 et neserait pas impliquée dans la liaison de CCRL2. Cette liaison de la chémérine sur CMKLR1active les protéines Gαi1-3 et les protéines Gαoa-b de manière similaire. Par contre, lastimulation de GPR1 et CCRL2 n’active aucune des protéines Gα testées. On observeégalement le recrutement des β-arrestines 1 et 2 sur CMKLR1 et GPR1 ainsi quel’internalisation des récepteurs, contrairement à CCRL2 dont la stimulation n’induit nirecrutement ni internalisation. On observe que la stimulation de CMKLR1 et GPR1 induit laphosphorylation des kinases ERK1/2 et que cette activation nécessite uniquement la β-arrestine2. GPR1 semble donc avoir toutes les propriétés d’un récepteur atypique naturellement biaisévers l’activation des β-arrestines. Cependant, comme l’activation des kinases ERK1/2 parGPR1 est également sensible à la toxine pertussique, il semble que les protéines Gαi jouentégalement un rôle dans l’activation médiée par la β-arrestine 2.Nous avons ensuite étudié l’importance du clivage C-terminal de la chémérine pour laliaison et l’activation du récepteur GPR1 humain. Nous avons montré que le clivage C-terminalde la chémérine conserve une importance pour la liaison et l’activation de GPR1 mais que lesdifférences entre les formes « bioactives » et « peu actives » sont nettement moins importantesque pour CMKLR1. GPR1 pourrait donc lier de manière efficace certaines formes de chémérine« innactives » pour CMKLR1. Concernant la nature des acides aminés composant l’extrémitéC-terminale, nous avons montré un rôle important de la glycine G152 et des résidus aromatiquesF148, Y149, F150, F154 pour la liaison et l’activation de CMKLR1. Par contre, seule la glycine G152semble importante pour la liaison et l’activation de GPR1. Cette plus grande permissivité de lapoche de liaison de GPR1 pourrait être à l’origine de sa capacité à lier un panel plus importantde formes de chémérine.Enfin, les propriétés fonctionnelles du récepteur GPR1 murin ont été étudiées etcomparées à celles de GRP1 humain. Nous avons montré que, contrairement au GPR1 humain,GPR1 murin interagit de manière contitutive avec les β-arrestines 1 et 2. L’interaction basaleétant élevée, la stimulation par la chémérine n’induit que peu ou pas de recrutementsupplémentaire d’arrestines. Cette forte interaction constitutive induit la redistribution partiellede GPR1 murin au sein des endosomes précoces et de recyclage. De plus, l’internalisation deGPR1 murin est entièrement dépendante des β-arrestines, alors que celle de GPR1 humain nel’est que partiellement. Par contre, aucune différence dans la capacité des récepteurs humain etmurin à internaliser la chémérine ou à activer les kinases ERK1/2 n’a été observée. Enfin, nousavons montré que l’interaction constitutive du récepteur GPR1 murin avec les β-arrestinesdépendait de son extrémité C-terminale et de la présence d’une arginine en position 3.50 (A3.50).Dans la 2ème partie, nous avons étudié le rôle biologique du récepteur GPR1 en utilisant dessouris invalidées pour les récepteurs GPR1 et CMKLR1. Nous avons montré que la chémérineprésente une accumulation dans la zone marginale de la rate et que celle-ci est diminuée dansles souris invalidées pour les récepteurs GPR1 ou CMKLR1. Nos résultats suggèrent que cettediminution serait due à l’absence de CMKLR1 et que l’effet de l’invalidation de GPR1 seraitun effet indirect sur l’expression de CMKLR1. En effet, nous avons montré que le récepteurCMKLR1 est exprimé par les macrophages marginaux MARCO+ SIGNR1+ et que l’expressionde ces macrohages est altérée chez les souris GPR1 KO et CMKLR1 KO. Enfin, nous avonsmontré que les macrophages marginaux des souris GPR1 KO et CMKLR1 KO présentent unediminution de leur capacité à phagocyter les pathogènes et les corps étrangers circulants. Lesystème chémérine jouerait donc un rôle non seulement dans l’expression de certainsmacrophages résidents de la rate, mais également dans leurs fonctions biologiques.En conclusion, GPR1, bien que différent du récepteur principal de la chémérineCMKLR1, semble être un récepteur qui possède ses propres propriétes fonctionnelles et sespropres rôles, seul ou en association avec les deux autres récepteurs.