Résumé : Le flux sanguin coronaire est hautement régulé : il est maintenu constant sur une large gamme de pression de perfusion (autorégulation) et augmente lorsque nécessaire (régulation métabolique). La microcirculation est le principal siège des mécanismes régulant le flux coronaire (participe à plus de 90% des résistances vasculaires coronaires) et l’endothélium y joue un rôle clé : en réponse à des stimuli physico-chimiques, il libère dans un équilibre précis, des vasodilatateurs (oxide nitrique, prostacyclines et « endothelium derived hyperpolarizing factors) et des vasoconstricteurs (prostaglandines, thromboxane, endothéline-1) qui modulent le tonus vasculaire. Le sepsis est connu pour altérer la microcirculation ainsi que la régulation de certains flux régionaux, pouvant mener à des manifestations localisées d'hypoperfusion et un dysfonctionnement d’organes, malgré un débit cardiaque préservé. Notre hypothèse est que le dysfonctionnement microvasculaire lié au sepsis, observé dans d'autres lits vasculaires, affecte également la circulation coronaire et en altère ses mécanismes de régulation du flux. La première partie de ce travail avait pour objectif de développer une méthode fiable, stable dans le temps et reproductible permettant d’évaluer les mécanismes intrinsèques de régulation du flux sanguin coronaire (l’autorégulation, la régulation métabolique et la fonction vasomotrice de l’endothélium). La deuxième partie de ce travail avait pour objectif d’évaluer l’hémodynamique du flux sanguin coronaire dans un modèle porcin de sepsis hyperdynamique. Quatorze porcs ont été randomisés en deux groupes : 1) le groupe sepsis par péritonite fécale (n=7) et 2) le groupe contrôle (n=7). Une évaluation de l’hémodynamique générale et de l’hémodynamique coronaire a été réalisée au temps de base, 6 heures et 12 heures après l’induction de la péritonite fécale. Quatre animaux issus du groupe contrôle ont permis de valider la méthode d’évaluation de l’hémodynamique coronaire, réalisée à l’aide d’un fil-guide intra-coronaire mesurant la pression et la vitesse du flux coronaires par méthode Doppler, incluant : 1) la mesure du flux coronaire de repos, 2) la mesure du flux coronaire hyperémique suivant l’administration d’adénosine (un vasodilatateur de la microcirculation indépendant de l’endothélium), 3) le calcul de la réserve de flux coronaire (=flux hyperémique/flux de repos), 4) le calcul des résistances microvasculaires hyperémiques (=pression coronaire/flux hyperémique), 5) la réponse vasodilatatrice de l’endothélium suivant l’administration de bradykinine (un vasodilatateur passant par la fonction endothéliale), ainsi que 6) l’évaluation de la relation pression-flux coronaires (la diminution des pressions coronaires étant obtenue par l’inflation d’un ballon intra-coronaire) et le calcul du seuil inférieur d’autorégulation . La réponse vasomotrice de l’endothélium a également été évaluée ex vivo à l’aide de prostaglandine F2α et de bradykinine. Des segments d’artères coronaires ont ensuite été prélevés pour des évaluations pathobiologiques et histologiques. Cette méthode évaluant l’hémodynamique du flux sanguin coronaire montre, chez les animaux indemnes, un seuil inférieur d’autorégulation (42-55 mmHg) et une réserve de flux coronaire (>3) cohérents avec ceux précédemment décrits et restés stables dans le temps, alors que le sepsis hyperdynamique précoce était associé à un décalage vers la droite du seuil inférieur d’autorégulation, une diminution de la réserve de flux coronaire et une augmentation des résistances microvasculaires hyperémiques, avec toutefois préservation de la fonction vasodilatatrice de l’endothélium (in vivo et ex vivo).