Résumé : Le trouble développemental de la coordination (TDC) affecte 5 à 9 % des enfants d’âge scolaire et se manifeste par des habiletés motrices coordonnées inférieures en comparaison aux pairs à développement typique (American Psychiatric Association, 2013). Ce trouble est caractérisé par une grande hétérogénéité clinique, pouvant mener à des divergences dans les études investiguant ses mécanismes sous-jacents ou ses bases neurones. Ce projet de thèse avait dès lors trois objectifs principaux : (i) préciser le diagnostic du TDC en définissant les profils cliniques de ces enfants, (ii) investiguer les bases neurophysiologiques du trouble, et (iii) tester l’hypothèse d’un déficit d’apprentissage procédural. Pour répondre à ces objectifs, des enfants présentant un TDC et des pairs à développement typique ont réalisé un bilan moteur et neuropsychologique, des enregistrements de l’activité cérébrale au repos en magnétoencéphralographie (MEG) et électroencéphalogramme à haute densité (EEGhd) ainsi qu’une tâche d’apprentissage procédural de séquence.Au vu de l’importante hétérogénéité clinique du TDC, l’étude 1 avait pour objectif de définir les profils cliniques du trouble au regard de son importante hétérogénéité clinique. Une première approche descriptive démontrait qu’une proportion large à modérée de l’échantillon de 50 enfants porteurs d’un TDC présentait des altérations des fonctions exécutives (92%), praxies (68%), attentionnelles (52%), des habiletés perceptives visuelles et visuo-spatiales (46%), et des habiletés visuo-motrices et visuo-constructives (36%). Ensuite, une approche statistique d’analyse par clusters révélait l’existence de 5 sous-groupes (i.e., clusters) au sein de l’échantillon de 50 enfants porteurs d’un TDC et de 31 enfants à développement typique. L’étude 2 se concentrait sur le fonctionnement cérébral d’enfants à développement typique. Elle visait à déterminer si la MEG et l’EEGhd permettent d’étudier les réseaux cérébraux fonctionnels à l’état de repos chez les enfants à développement typique d’âge scolaire et quelle méthode est la plus pertinente pour répondre à cette question. Les deux méthodes ont permis de révéler l’architecture spatiale typique de réseaux fonctionnels dits de bas niveau (i.e., réseaux auditif et visuel) auprès d’un échantillon de 24 enfants à développement typique. Néanmoins, la MEG obtenait de meilleurs résultats que l’EEGhd pour révéler l’architecture spatiale inter-hémisphérique du réseau sensorimoteur attendue au regard de la littérature, et était en conséquence plus pertinente pour répondre aux hypothèses des études subséquentes.L’étude 3 avait pour objectif de décrire les bases neurophysiologiques du TDC en tenant compte de son hétérogénéité clinique. Les analyses des 2 sessions de 5min en MEG ont démontré que les 29 enfants porteurs d’un TDC présentaient une connectivité cérébrale fonctionnelle à l’état de repos atypique par rapport à leurs 28 pairs à développement typique. Ceci se manifestait par une connectivité cérébrale fonctionnelle plus importante chez les enfants porteurs d’un TDC au sein du réseau visuel extrastrié dorsal. Néanmoins, cette connectivité fonctionnelle plus importante n’était pas associée à la sévérité des altérations motrices des enfants porteurs d’un TDC ou visuo-perceptives/visuo-motrices présentes dans 65.5% de l’échantillon.Les deux dernières études s’intéressaient à l’hypothèse d’un déficit d’apprentissage procédural dans le TDC et aux associations de cet apprentissage procédural avec l’architecture fonctionnelle intrinsèque chez l’enfant d’âge scolaire. L’étude 4 avait pour objectif d’évaluer l’hypothèse d’un déficit d’apprentissage procédural comme explication aux difficultés motrices des enfants présentant un TDC tout en contrôlant pour la sévérité des symptômes TDA/H associés (diagnostic co-occurrent au TDC dans 50% des cas). L’échantillon de 31 enfants porteurs d’un TDC présentait des performances d’apprentissage de séquences incident (paradigme SRTT) inférieures à celles de l’échantillon de 31 enfants à développement typique. Ceci se manifestait par une réduction globale de l’indice d’apprentissage spécifique à la séquence (indice SSLI). L’étude 5 avait pour objectif de déterminer comment la connectivité cérébrale fonctionnelle à l’état de repos est associée à un apprentissage de séquence subséquent et comment cette connectivité se réorganise à la suite de l’apprentissage chez l’enfant à développement typique et porteur d’un TDC d’âge scolaire. Chez 30 enfants à développement typique, les analyses ont démontré qu’une plus forte connectivité a priori au sein du réseau sensorimoteur dans la bande de fréquence alpha est associée à une meilleure performance d’apprentissage de séquence subséquente (paradigme SRTT). De plus, de meilleures habiletés visuo-motrices étaient associées à une plus forte connectivité cérébrale fonctionnelle a priori entre le gyrus supramarginal gauche et le cortex moteur primaire droit dans la bande de fréquence alpha, et à une réorganisation cérébrale fonctionnelle rapide plus importante à la suite de cette performance. En revanche, ce pattern d’association entre connectivité fonctionnelle à l’état de repos et performances d’apprentissage procédural et visuo-motrice subséquentes n’était pas retrouvé chez les 22 enfants porteurs d'un TDC.De manière générale, il apparait que le TDC ne se définit pas uniquement par des capacités de coordination motrice réduites mais plutôt par une association de limitations motrices, perceptives et cognitives. Les résultats de ce projet de thèse soulignent l’importance de tenir compte de l’hétérogénéité clinique et des troubles neurodéveloppementaux associés lors de l’étude des capacités cognitives, d’apprentissage, motrices, et les bases neurophysiologiques des enfants porteurs d’un TDC. Enfin, cette hétérogénéité clinique si largement décrite suggère que le TDC se caractérise probablement par une association d’étiologies multiples plutôt qu’une étiologie unique.