Résumé : Introduction : Les cigarettes électroniques (e-cigarettes) aérosolisent un liquide (i.e., “eliquide”) composé de propylène glycol et de glycérol, d'arômes et le plus souvent de nicotine. Cet aérosol hygroscopique et hyperosmolaire se dépose dans les petites voies aériennes. A haute température, le propylène glycol et le glycérol peuvent subir une combustion partielle au lieu d'une vaporisation pure, ce qui conduit à la production de dérivés carbonylés. Ces derniers produits ont une toxicité cardiorespiratoire bien documentée. On ignore si ce dépôt d’aérosol au niveau pulmonaire peut déclencher une inflammation pulmonaire et perturber les échanges gazeux alvéolaires. On ignore également si la transition de cet aérosol des poumons vers la circulation sanguine induit des altérations micro- et macro-vasculaires. Par ailleurs, comme le propylène glycol et le glycérol sont de petites molécules hydrophiles qui traversent rapidement l'épithélium pulmonaire, l'arrêt à court terme du vapotage chez les utilisateurs réguliers pourrait éliminer ce dépôt pulmonaire et inverser la toxicité cardio-respiratoire potentiellement induite par le vapotage.Méthodes: Nous avons évalué les effets aigus du vapotage à haute puissance du propylène glycol et du glycérol avec et sans nicotine et leurs réversibilités sur différents marqueurs des fonctions cardiovasculaires et respiratoires (fonction microcirculatoire dépendante et indépendante de l'endothélium, paramètres hémodynamiques, rigidité artérielle, stress oxydatif, pressions partielles transcutanées en oxygène, épreuves fonctionnelles respiratoires et marqueurs sériques et urinaires de l’inflammation pulmonaire). Ces paramètres ont été investigués chez 25 jeunes fumeurs occasionnels (groupe des fumeurs sains) et chez 30 utilisateurs intensifs d’e-cigarettes (groupe des vapoteurs) dans deux études randomisées simple-aveugles et croisées. Les effets aigus du vapotage sans nicotine ont également été évalués chez 24 patients avec un lourd passé tabagique, suspects d’une maladie coronarienne (groupe des fumeurs malades), sur les pressions partielles transcutanées en oxygène, l'oxymétrie de pouls et la pression partielle artérielle en oxygène dans une étude ouverte parallèle et randomisée. Nous avons, par ailleurs, démontré dans deux enquêtes en ligne que l’exposition à l’e-cigarette utilisée dans nos études était comparable à celle pratiquée dans la communauté des vapoteurs utilisant un équipement de dernière génération.Résultats et conclusions : Au niveau cardiovasculaire, nos données ont montré que le vapotage sans nicotine n’a pas modifié les paramètres testés dans les trois populations investiguées. En revanche, le vapotage nicotiné a perturbé la fonction microcirculatoire dépendante de l’endothélium et a augmenté la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la rigidité artérielle et le stress oxydatif. Dans le groupe des vapoteurs, un bref arrêt duvapotage nicotiné a diminué la fréquence cardiaque de base. Vingt pour cent des utilisateurs en Belgique vapotent sans nicotine lorsqu'ils se sèvrent du tabac, cela pourrait réduire leur risque cardiovasculaire par rapport à la poursuite du vapotage nicotiné ou du tabagisme. Au niveau respiratoire, tant chez les fumeurs que chez les vapoteurs, le vapotage à haute puissance, indépendamment de la nicotine, a induit des lésions épithéliales des petites voies aériennes et une diminution des pressions partielles transcutanées en oxygène, sans dysfonction endothéliale micro et macro-circulatoires concomitantes. Ces conditions de vapotages intenses ont également provoqué une diminution de la pression partielle artérielle en oxygène chez les fumeurs malades, vraisemblablement en raison de perturbations des échanges gazeux pulmonaires. Les chutes et les remontées quotidiennes répétées de pression partielle artérielle en oxygène au cours de périodes prolongées de vapotage pourraient être comparées à une forme d'hypoxie intermittente, comme on l’observe dans le syndrome d'apnées obstructives du sommeil. L'hypoxie intermittente a un rôle causal dans la pathogenèse de nombreuses maladies cardiovasculaires. D'autres études seront nécessaires pour identifier les conséquences potentielles à long terme de l'utilisation de l’e-cigarette sur la pathogenèse des maladies cardiorespiratoires. Les e-cigarettes à haute puissance, avec ou sans nicotine, devraient être utilisées avec prudence chez les patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire jusqu'à ce que de nouvelles données sur leur toxicité cardiorespiratoire à long terme soient disponibles.