Résumé : Cette étude a pour objet, d'une part, de déterminer l'état du droit international, européen et belge des confiscations et du gel préventif d'avoirs terroristes et, d'autre part, de confronter ce droit à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relativement aux articles 6 et 7 de la Convention et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention. Elle montre dans sa première partie que l'évolution du droit des confiscation est guidée par la recherche d'efficacité depuis une trentaine d'années, au préjudice des droits fondamentaux des personnes concernées. Tant en droit international qu'en droit européen et en droit belge, les autorités publiques tendent, sous l'impulsion de l'Exécutif, à permettre la confiscation d'une gamme toujours plus large de biens, tout en assouplissant corrélativement la charge de la preuve reposant sur la partie poursuivante. La mesure de confiscation élargie permettant de priver le condamner de biens non liés à l'infraction déclarée établie et celle de confiscation civile, non liée à une condamnation pénale préalable, vont en ce sens. Le gel préventif d'avoirs terroristes est l'expression la plus extrême de ce mouvement, étant donné qu'il autorise une autorité administrative à priver une personne physique ou morale de la jouissance de l'intégralité de son patrimoine, pour une durée non limitée a priori dans le temps, et ce sur le fondement d'un risque de commission d'une infraction terroriste. La seconde partie de l'étude montre que, loin de s'opposer à cette évolution, la Cour européenne des droits de l'homme l'a accompagnée et encouragée, au préjudice de la défense d'une conception large du droit à un procès équitable, du principe de légalité des peines et du droit de propriété. Ce faisant, elle a cependant rendu nombre d'arrêts incohérents avec sa jurisprudence bien établie et s'est refusée à "aller au-delà des apparences" du droit interne des Etats Parties à la Convention, comme elle prétend pourtant devoir le faire. La Cour a ainsi renoncé à constater que la procédure de confiscation élargie impliquait une nouvelle accusation lorsqu'elle porte sur des choses non liées à l'infraction déclarée établie ou que la confiscation dite civile ou préventive ainsi que le gel préventif d'avoirs terroristes pouvaient en réalité revêtir un caractère pénal. Par ailleurs, tout en consacrant une conception relativement large du champ d'application de l'article 7 de la Convention, la Cour a dans le même temps jugé compatible avec cette disposition l'imposition d'une sanction sur la base d'une condamnation substantielle et non formelle, pour autant que la procédure en cause ait été menée dans le respect du droit à un procès équitable. En d'autres termes, elle a conditionné le respect d'un droit substantiel à celui de garanties procédurales. En matière de droit de propriété, l'équilibre entre intérêts public et privé penchera enfin généralement du côté du premier en matière de confiscations vu les objectifs que poursuivent ces mesures. De plus, vu la bienveillance de la Cour à l’égard des mesures de confiscation et de gel préventif d’avoirs terroristes sur le terrain des articles 6 et 7 de la Convention, le droit de propriété apparaît comme une protection à la portée très relative pour les personnes concernées.