Résumé : Ce travail aborde la place de la littérature française en Chine en retraçant les parcours de traduction des romans français contemporains. Ce processus de traduction s’est vu transformé à partir de la fin 1992, lorsque la Chine a adhéré aux conventions internationales des droits d’auteur. Inspirée par l’approche sociologique de la traduction, cette thèse adopte les outils conceptuels de Pierre Bourdieu et propose une étude sur la base d’une recherche de terrain et de l’analyse quantitative des statistiques de première main. Il s’agit ainsi d’identifier les agents de la traduction d’œuvres romanesques françaises en Chine à travers un mécanisme façonné par la structure sociale, et de chercher à comprendre qui traduit et quoi dans ce processus conditionné. À travers une première partie qui retrace l’histoire de la traduction littéraire en Chine avec les outils bourdieusiens, nous constatons que peu importe qui domine la traduction – les écrivains, les traducteurs, l’État ou les académiques – la littérature traduite du français véhicule habituellement un riche capital symbolique en Chine. Nous argumentons dans une deuxième partie que l’introduction de la logique du marché depuis 1993 a refaçonné le rapport de force entre les différents agents, et a poussé l’éditeur à jouer un rôle relativement décisif – même si toujours sous contrôle de l’État. Par conséquent, la production commerciale est largement renforcée. Dans ce paysage, la situation des romans français semble en décalage. Nous dévoilons dans la troisième partie que sur le plan du processus, elle mobilise surtout des agents formés par le champ académique et qui ont pour vocation de se lancer plutôt dans la littérature de production restreinte que dans la littérature de grande production, comme l’étude du catalogue de l’éditeur le plus actif du domaine (Shanghai 99) en témoigne. Le panorama des auteurs contemporains traduits présenté dans la quatrième partie relativise la présomption que les œuvres françaises traduites sont concentrées dans le pôle de traduction restreinte : les best-sellers français sont également traduits, mais ils ne se vendent pas bien en Chine. Cependant, nous observons tout de même que les auteurs français au lectorat plus restreint ont pu trouver un éditeur chinois qui correspond à leur genre littéraire et faire traduire leurs œuvres systématiquement. En somme, nous argumentons qu’en Chine aujourd’hui, les romans français ne sont pas moins traduits, mais ils sont plutôt gérés par des agents qui se situent dans le sous-champ de production restreinte, dans un équilibre de force entre le champ académique et le champ économique.
This work addresses the place of French literature in China by tracing the translation routes of contemporary French novels. The translation process was transformed at the end of 1992, when China signed two important international conventions of copyright. Inspired by the sociological approach of Translation Studies, this thesis adopts the conceptual tools of Pierre Bourdieu and proposes a study based on field research and quantitative analysis of first-hand statistics. The goal is thus to illustrate the translation mechanism shaped by the social structure, to identify the agents and to understand who translates what in this conditioned process. In the first section which traces the history of literary translation in China with Bourdieu's tools, we note that no matter who dominates the translation - writers, translators, the State or academics - the French literature conveys usually a rich symbolic capital in China. We argue in the second part that the introduction of a market economy in 1993 has reshaped the power relation between the various agents, and pushed the editors and publishers to play a relatively decisive role - even if still under state control. Therefore, commercial production is greatly enhanced. In this landscape, the situation of French novels seems out of step. We reveal in the third part that in terms of working process, French novels mobilize special agents trained by the academic field whose vocation lies in the literature of small-scale production rather than the large-scale production, and this observation is testified by analyzing the catalog of the most active publisher in the field (Shanghai 99). The fourth part presents a panorama of contemporary French authors who’s been translated, and realizes the presumption that French translated works are concentrated in the restricted pole: French bestsellers are also translated, but they do not sell well in China. However, we still observe that French authors with a limited readership have been able to find a Chinese publisher who corresponds to their literary genre and have their works translated systematically. In short, we argue that in China today, French novels are no less translated, but they are rather managed by agents who are located in the sub-field of small-scale production, in a balance of power between academic field and economic field.