Résumé : Le cancer de l’œsophage est un cancer particulièrement agressif, avec 450 000 nouveaux cas par an dans le monde. Malgré les récentes innovations thérapeutiques en oncologie, la radiochimiothérapie reste le traitement standard dans ce cancer. Ce traitement lourd est pourtant peu efficace, puisque la survie des patients 5 ans après le diagnostic atteint seulement 20%. Une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires ainsi que de nouveaux marqueurs pronostics sont nécessaires afin de réaliser une avancée significative dans la compréhension du cancer de l’œsophage. L’objectif de ce travail concerne l’investigation de nouveaux paramètres pronostiques, macro- ou microenvironnementaux.Dans ce cadre, nous avons investigué l’impact de la composition corporelle et, plus particulièrement, de la qualité du tissu adipeux des patients sur leur survie générale. Les patients souffrant d’un cancer de l’œsophage présentent en général un statut nutritionnel complexe : l’obésité est un facteur de risque de développement d’un adénocarcinome de l’œsophage, tandis que les carcinomes épidermoïdes se développent fréquemment chez des patients malnutris. Nous avons montré que l’atténuation du tissu graisseux au CT-scan a un impact pronostique important. Spécifiquement, une faible densité de la graisse sous-cutanée et viscérale sont des facteurs pronostiques bénéfiques majeurs. Des résultats similaires ont été publiés pour d’autres cancers digestifs, notamment par notre équipe pour le cancer colorectal métastatique. Cependant, les mécanismes biologiques sous-tendant les variations de densité de ces tissus graisseux restent encore incertains. Un tissu graisseux de haute densité refléterait des adipocytes beiges, pauvres en triglycérides et métaboliquement plus actifs. Alors que des phénomènes extrinsèques à la tumeur pourraient amorcer ce phénomène, les facteurs sécrétés par la tumeur pourraient empirer ce processus et impacter l’état de santé général du patient. Nos résultats suggèrent que les traitements pourraient également aggraver ce mécanisme. L’analyse d’échantillons sanguins et de biopsies graisseuses de patients souffrant de cancers gastro-intestinaux nous permettra de dévoiler des marqueurs associés à la variation de densité graisseuse et de faire la lumière sur les mécanismes biologiques impliqués.Depuis quelques années, les motifs histopathologiques de croissance tumorale ont été l’objet de plusieurs études. Associés aux mutations génétiques de la tumeur mais aussi à son microenvironnement, ces motifs de croissance constituent le reflet de processus oncogéniques complexes. Nous avons d’abord exploré l’impact pronostique des motifs histopathologiques de croissance tumorale œsophagienne sur deux cohortes de patients. Nous avons confirmé l’impact pronostique négatif des tumeurs infiltrantes par rapport aux tumeurs expansives. Les tumeurs infiltrantes étaient également plus fréquemment associées à un Stade T et N plus avancés, ainsi qu’à la présence d’emboles lymphovasculaires et d’infiltrations péri-nerveuses. Nous avons ensuite exploré les voies de signalisation classiquement dérégulées dans la carcinogenèse sur la cohorte composée de données publiques ; ces analyses nous ont permis d’identifier l’angiogenèse, la transition épithélio-mésenchymateuse et l’inflammation comme étant surexprimées dans les tumeurs infiltrantes. Nous avons pu identifier OLR1, SFRP4 et CXCL9 comme étant trois gènes intéressants à investiguer pour chacune de ces voies, respectivement.Ces résultats n’ont pas été confirmés par qPCR dans la cohorte de validation. La qualité de l’ARN et le traitement pré- opératoire de ces patients ont réduit le nombre de patients analysables et vraisemblablement contribué à un biais important d’expression des mécanismes biologiques. Une analyse plus extensive de ces trois voies de signalisation pourrait distinguer des acteurs importants du développement de ces motifs de croissance tumorale.En conclusion, ce travail exploratoire a permis de définir plusieurs acteurs du pronostic des patients atteints d’un cancer de l’œsophage. Des analyses moléculaires supplémentaires permettront d’aborder les voies biologiques sous- tendant le développement des motifs histopathologiques de croissance tumorale, d’une part et de variation de densité du tissu graisseux, d’autre part. Ce travail permettra de dévoiler des aspects complexes et encore peu étudiés de l’agressivité des tumeurs œsophagiennes.