Résumé : Le principe de confiance mutuelle connaît un véritable avènement en droit de l’Union européenne. Initialement mobilisé à l’aube des années 70’ en droit du marché intérieur, il a par la suite été sollicité de façon explicite dans les domaines de la coopération européenne judiciaire civile et pénale, ainsi que dans le domaine de la politique commune d’asile. Désormais qualifiée de principe d’importance fondamentale par la Cour de justice de l’Union européenne, la confiance mutuelle est devenue un véritable leitmotiv de l’intégration européenne. En dépit de son succès, ce principe demeurait en manque criant de conceptualisation. Cette thèse de doctorat avait pour principal objectif de remédier à cette nébuleuse en offrant une définition transversale du principe de confiance mutuelle. Il a pu être démontré qu’il se définit par l’obligation qu’il impose aux États membres de présumer la compatibilité de leurs solutions juridiques nationales respectives. Cette présomption est ambivalente, en ce qu’elle porte, dans certains cas, sur la conformité d’une solution juridique nationale par rapport au droit de l’Union et, dans d’autres, sur l’admissibilité de solutions juridiques nationales différentes. Dans ce cadre, les États membres sont tenus de considérer, sauf circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent les droits fondamentaux. Avec l’appui des travaux relatifs à la notion de confiance en sociologie, l’archétype de la confiance mutuelle en droit de l’Union a également pu être esquissé. Cette dernière agit comme un « réducteur de la complexité » et rend possible la gouvernance dans l’espace sans frontières intérieures. Le principe de confiance mutuelle se situe en effet à la croisée de trois impératifs essentiels de la construction européenne : l’unité, la diversité ainsi que l’égalité entre les États membres. Le gain en fluidité a néanmoins un prix : le risque qu’il génère en raison de l’absence de contrôle mutuel des solutions juridiques présumées comme étant compatibles. Ce risque, s’il se réalise, peut entraîner la contagion de solutions juridiques non satisfaisantes au sein de l’espace européen sans fontrières. Il est amplifié en raison de l’existence, dans l’Union, d’une « crise des valeurs ». L’enchaînement de défis majeurs auxquels sont confrontés l’Union et les États membres en matière économique, de sécurité, ou encore de migration a, en effet, révélé des divisions profondes quant au sens de l’intégration européenne et des valeurs qui la fondent. Ces dissensions ont été jusqu’à entraîner l’existence de défaillances généralisées et persistantes qui, à l’estime de la majorité des observateurs, engendrent une détérioration systémique de ces valeurs dans certains États membres de l’Union. La probabilité que des solutions juridiques nationales soient incompatibles avec les valeurs démocratiques et tenant à l’État de droit est donc accrue. À rebours d’un plaidoyer en faveur de l’abandon du principe de confiance mutuelle, notre recherche s’est alors achevée par la proposition de pistes d’optimisation de son fonctionnement, de manière à ce que les valeurs fondatrices de l’Union soient davantage protégées. Plus précisément, nous invitons les acteurs de la confiance mutuelle à faire passer le principe éponyme du rang de postulat à celui de méthode. En d’autres termes, nous proposons de prendre distance de la confiance postulée au profit d’une application méthodique de la confiance. Si cette proposition de méthode ne résout certainement pas l’ensemble des difficultés soulevées par l’objet de notre recherche, elle aura cependant eu le mérite d’amener les lecteurs à percevoir le principe de confiance mutuelle sous un angle différent, plus respectueux des valeurs fondatrices de l’Union.