Résumé : L’insuffisance ovarienne et l’infertilité induites par certains traitements oncologiques représentent une préoccupation majeure des jeunes patientes atteintes de cancer. Actuellement, différentes options afin de préserver leur fertilité sont proposées telles que la cryopréservation d’ovocytes, d’embryons ou de tissu ovarien. Ces méthodes sont cependant invasives et ne peuvent être appliquées dans toutes les situations. La protection pharmacologique des ovaires permettant de diminuer la gonadotoxicité des traitements oncologiques et d’augmenter les chances de récupération spontanée de la fonction ovarienne est une approche non invasive très attractive. Bien que les expérimentations animales montrent des résultats encourageants pour certaines drogues ciblant les processus d’apoptoses ou d’activation folliculaire, des nombreuses questions persistent sur leurs efficacités, leurs innocuités et leurs possibilités d’application clinique. De nouvelles approches doivent donc être développées pour garantir une protection spécifique des ovaires pendant le traitement tout en assurant un développement folliculaire normal par la suite. Dans ce travail, nous avons investigué le potentiel des microRNAs (miRNAs) comme nouvelle approche pour préserver la fertilité durant la chimiothérapie. Les microRNAs sont des courts acides ribonucléiques simple-brin capable d’inhiber l’expression de nombreux gènes impliqués dans les mécanismes de toxicité ovarienne des traitement anticancéreux tel que l’apoptose, la réponse aux lésions d’ADN et l’activation folliculaire.Dans la première partie de la thèse, nous avons exploré le profil d’expression des miRNAs dans les ovaires de souris âgées de 3 jours, contenant majoritairement des follicules quiescents, en réponse à l’exposition aux agents alkylants in vitro. Cette étape nous a permis de démontrer le changement rapide de l’expression des miRNAs en réponse au traitement et d’identifier certains miRNAs d’intérêt. Parmi ceux -ci, let-7a et miR-10a sont les plus réprimés. Après analyses de leur profil de fonction, les tests de transfection de mimic-miRNAs afin de compenser la diminution de leurs expressions pendant le traitement ont montré l’efficacité de let-7a mais pas de miR-10a pour inhiber l’apoptoses induite par la chimiothérapie.Dans la deuxième partie de la thèse, nous avons exploré les capacités de protection ovarienne à plus long-terme de let-7a. Les ovaires de souris âgées de 3 jours ont été exposés à la chimiothérapie in vitro après transfection ou non de let-7a puis transplantés dans la capsule rénale de souris adulte afin de poursuivre la croissance folliculaire in vivo. Après 3 semaines, ces expérimentations ont confirmé la diminution de l’apoptose après restauration de l’expression de let-7a bien que la réserve ovarienne ne soit pas significativement différente du groupe contrôle exposé à la chimiothérapie. Cependant, la capacité à maturer in vitro des ovocytes récoltés au sein des ovaires greffés après stimulation aux gonadotrophines des souris hôtes est améliorée lorsque les ovaires exposés à la chimiothérapie ont été préalablement transfectés avec let-7a. Bien que préliminaires, ces résultats sont encourageants et suggèrent un effet protecteur à long terme, sans affecter la compétence ovocytaire.Ces données offrent de nouvelles perspectives et une meilleure compréhension de l’implication des miRNAs dans les processus de toxicité ovarienne de la chimiothérapie. Elles ouvrent la possibilité à de nouvelles options de préservation de la fertilité sur base de l’utilisation des miRNAs comme outils thérapeutiques, déjà en cours d’investigation en oncologie. Une thérapie ciblée grâce au développement d’outils de « transport » des miRNAs performants et spécifiques restent une limitante majeure et le prochain défi à venir.