Résumé : De par son influence sur les réseaux d’interactions, la structure du nid façonne les comportements collectifs des sociétés d’insectes. À ce titre, l’entrée du nid est un lieu privilégié d’interactions et d’échange d’information entre les individus explorant l’environnement et ceux restant à l’intérieur du nid. L’objectif de cette thèse est d’étudier l’impact de la structure de l’interface entre le nid et l’environnement, en particulier le nombre d’entrées du nid, sur le comportement collectif d’une fourmilière lors de la récolte de nourriture. Pour cela, nous avons d’étudié la fourmi Myrmica rubra, une fourmi polygyne présentant des nids polydomiques aux multiples entrées. Nous avons d’abord montré que l’interface sociale de la colonie se compose de fourmis orientées vers l’entrée recevant davantage de contacts de la part des fourrageuses entrantes. Ces fourmis se situent dans les deux premiers centimètres de l’aire d’entrée, où celle-ci influence l’orientation et le comportement des ouvrières. De plus, cette interface sociale s’adapte à l’ouverture de nouvelles entrées via la réorientation d’ouvrières. Ensuite, nous avons comparé les dynamiques de recrutement vers une ressource (solution de saccharose 1M) lorsque les fourmis étaient logées dans des nids à une ou deux entrées. Une seconde entrée retarde la mobilisation des ouvrières et compromet l’émergence d’une piste chimique commune, réduisant la probabilité des recrues d’atteindre la ressource et diminuant la récolte globale de nourriture. Le nombre d’entrées du nid joue donc un rôle clé dans le transfert d’information entre fourrageuses et recrues. En outre, nous avons montré qu’une seconde entrée réduit les capacités des fourmis à discriminer entre deux ressources de qualité différente (solutions de saccharose 1M ou 0.1M). Alors que la mobilisation totale double dans les nids à deux entrées, les fourmis ont une probabilité plus faible d’atteindre une ressource. De plus, les fourrageuses se répartissent de manière plus homogène entre les deux ressources et consomment moins de saccharose. La structure des entrées du nid influence donc les choix collectifs et les patterns de récolte de nourriture prenant place à l’extérieur. Enfin, nous avons étudié sur le terrain et modélisé l’influence de la configuration spatiale et du nombre d’entrées du nid sur le fourragement. L’observation de colonies en milieu naturel a montré que les entrées sont groupées en un ou deux clusters. Plusieurs clusters facilitent la répartition homogène des fourmis sur plusieurs ressources et, d’après nos simulations, retardent la mobilisation des ouvrières. De plus, nous avons montré que les fourmis montrent une fidélité remarquable à leur entrée d’origine et à la première ressource découverte, cette fidélité favorise, d’après notre modèle, la répartition des fourmis sur plusieurs ressources. Cette thèse confirme l’existence d’interactions privilégiées au niveau de l’entrée du nid entre les fourmis constituant l’interface sociale et les fourrageuses. D’autre part, elle montre que la structure de l’interface physique, ici le nombre d’entrées du nid, modèlent les comportement collectifs de fourragement de la colonie. Ainsi nous démontrons que le phénotype étendu que constitue le nid est un des facteurs importants qui influence les interactions entre la colonie et son environnement.