Résumé : Plus que toute autre forme théâtrale, la revue est liée au temps de sa représentation et est conditionnée par son rapport au public. Jouée traditionnellement en fin d’année (d’où son qualificatif), elle se présente la plupart du temps comme le compte rendu satirique et théâtralisé de l’année écoulée. Reposant d’une part sur le commentaire de l’actualité et des mœurs, d’autre part sur un type d’humour bien particulier, elle ne fonctionne que de manière éphémère. Entre autres raisons, ce caractère peu pérenne du genre a découragé les chercheurs ; même si de plus en plus de travaux lui sont consacrés, la revue reste un phénomène théâtral peu étudié dans sa globalité. Dans une certaine mesure, le présent travail entend combler cette lacune. Il porte sur les revues théâtrales en Belgique, et en particulier sur celles de Luc Malpertuis, jouées entre la fin du XIXe siècle et le début du siècle suivant. Cette étude, qui passe notamment par l’édition critique d’un manuscrit d’une pièce de cet auteur, s’inscrit tout à la fois dans des perspectives d’histoire culturelle, d’histoire du spectacle et de la sociologie de la littérature. Le genre de la revue y est en effet abordé en tant que forme théâtrale spectaculaire, à travers l’examen de ses thématiques et de ses aspects poétiques, mais il est aussi et surtout envisagé comme un genre médiatique et comme un phénomène culturel porteur d’imaginaires sociaux. Après une partie théorique et contextuelle, qui revient sur l’histoire de la revue, ses origines en France, son processus d’adaptation en Belgique et son appropriation par Luc Malpertuis, l’édition critique de Bruxelles fin de siècle (1891) permet d’illustrer très concrètement les rapports étroits entre la revue théâtrale et la presse de son temps. Cette édition permet ensuite de revenir plus en détail sur le fonctionnement général de la revue en Belgique. L’analyse des spécificités contextuelles et formelles du genre permet de démontrer que la revue fin-de-siècle s’inscrit dans une société médiatique en pleine expansion : les nouveaux modes de communication, les nouvelles pratiques spectaculaires et les enjeux socio-économiques de l’époque influencent le genre jusque dans son fonctionnement interne. Par ailleurs, si différents types de revues existent et présentent certaines particularités, l’analyse démontre que la pratique s’avère relativement uniforme en Belgique. Enfin, l’examen de quelques éléments liés à la poétique du genre – ses dimensions parodique, métathéâtrale, comique et satirique – tend à montrer que la revue belge s’adresse certes à un public large, mais qu’elle véhicule surtout les représentations d’une société particulière : la nouvelle bourgeoisie urbaine.