Résumé : Ma thèse de doctorat étudie la dimension rhétorique des oracles dans la littérature grecque d’époque classique. Les considérations sur la divination récoltées dans les traités de rhétorique antiques constituent le point de départ de ce travail. On y apprend, d’une part, que l’oracle serait une forme de témoignage (Aristote, Rhét. I, 15, 1375b 26 – 1376a 6 ; Cicéron, Sur les divisions de l’art oratoire, 2, 6 et Topiques, 76-77 ; Quintilien V, 7, 35-36 et 11, 42), qu’il faut comprendre dans le sens relativement large de preuve extra-technique dont la force persuasive provient de l’autorité. Ceci m’amène, dans la première partie du travail, à m’intéresser à l’établissement de l’autorité oraculaire et à examiner son rôle dans le fonctionnement de la divination. Je m’appuie pour cela sur les données fournies par les traités de rhétorique sur l’établissement de l’autorité testimoniale, mais aussi plus largement sur ce qui renforce l’autorité d’un orateur en rhétorique.D’autre part, certains traités mentionnent les oracles lorsqu’ils abordent le traitement rhétorique de l’ambiguïté, qui est une caractéristique souvent associée aux réponses oraculaires. Le premier auteur à en parler est Aristote (Rhét. III, 5, 1407 a-b). Il condamne les oracles ambigus (ainsi que l’ambiguïté de manière plus générale) et soutient qu’elle vise à tromper le consultant. Les autres auteurs (Hermogène, Sur les états de la cause, XII, 1-10 ; L’Anonyme de Séguier, 188 et Sopatros, Διαίρεσις ζητημάτων, LXXIX [= p. 377-382, vol. 8 Walz]) mentionnent l’oracle dans leurs développements sur l’amphibologie. Il s’agit alors de proposer une méthode pour argumenter pour ou contre une interprétation lorsque plusieurs hypothèses sont envisageables, selon un modèle qui s’inscrit dans le genre délibératif. L’obscurité oraculaire et l’importance de la délibération dans la prise en compte de l’oracle pour l’action sont au cœur de la deuxième partie de la thèse.Mon objectif est de montrer que ces différentes approches rhétoriques de l’oracle, bien qu’elles n’aient a priori rien en commun, sont en fait complémentaires : l’établissement de l’autorité est une condition sine qua non au bon fonctionnement de la divination. Si elle n’est pas reconnue, la parole du devin ou du prophète n’aura aucun poids. En revanche, si elle l’est, sa parole sera considérée comme vraie et pertinente. Toutefois, il arrive fréquemment que l’oracle nécessite alors un processus délibératif, qui peut porter sur l’établissement du sens de la réponse lorsqu’elle est obscure, ou sur la meilleure manière d’en tenir compte dans la prise de décision et dans l’action à mener. Par ces deux aspects, la divination telle qu’elle est présentée dans la littérature classique s’inscrit pleinement dans un cadre rhétorique et laisse aux consultants la responsabilité de leurs choix et de leurs actions.