Résumé : Les forêts tropicales couvrent environ 7% de la surface terrestre et stockent environ 25% du carbone terrestre. Elles jouent un rôle important dans les cycles biogéochimiques et fournissent divers services écosystémiques. Cependant, elles sont menacées par l’activité anthropique et le changement climatique. Il y a un besoin pressant de mieux comprendre les effets du changement climatique sur la croissance des arbres afin de mieux estimer son impact sur la composition des forêts et leur capacité à fournir leurs services.Jusqu’à récemment, les réponses des forêts aux changements climatiques ont été étudiées via des expérimentations en laboratoire ou en rapportant les changements à l’échelle des populations. Cependant, notre connaissance de l’influence des changements climatiques graduels sur la croissance ligneuse reste limitée. L’étude des cernes de croissance a permis la reconstruction du climat passé et l’étude de son influence sur la dynamique de croissance des arbres dans les régions tempérées. Son application dans un contexte tropical reste cependant limitée par l’absence d’une saisonnalité marquée des facteurs limitants la croissance. La distinction des cernes de croissance chez les espèces tropicales est très variable et des études supplémentaires sont nécessaires pour correctement les identifier et les utiliser dans les études dendrochronologiques.Dans cette thèse, nous explorons le potentiel d’utilisation de l’anatomie et de la densité du bois dans l’étude des réponses des arbres aux changements climatiques. Nous évaluons la variabilité anatomique du coeur à l’écorce et la manière dont le climat l’influence. Le travail est subdivisé en trois chapitres, chacun répondant à une question spécifique. Plus particulièrement, nous avons étudié (i) la variabilité de la distinction et de l’anatomie des cernes de croissance dans les tropiques, (ii) la relation entre l’anatomie et la densité du bois ainsi que son potentiel d’utilisation comme un proxy pour estimer variabilité anatomique et (iii) l’influence de la saisonnalité des précipitations sur la rythmicité de la croissance des arbres via leurs profils de densité du bois.En premier lieu, nous avons décrit les traits anatomiques impliqués dans la démarcation des limites des cernes de croissance et évalué leur contribution à la distinction des cernes. Nous avons constaté une grande variabilité intra et interspécifique et mis en avant le fait que les définitions actuelles de la distinction des cernes ne décrivent pas suffisamment la complexité de l’anatomie du bois dans les tropiques. Au lieu de se concentrer sur la détection des cernes, nous proposons d’étudier la variabilité des traits anatomiques depuis le coeur jusqu’à l’écorce dans le but de reconstruire la croissance ligneuse passée et estimer les effets du climat.Ensuite nous avons automatisé les mesures de proportions de parenchyme et de vaisseaux ainsi que le ratio lumen/diamètre total des fibres dans le plan transversal de la moelle à l’écorce. Nous les avons étudiés en parallèle avec des profils à haute résolution de la densité du bois de huit espèces. Nous avons montré que la densité du bois est influencée par l’anatomie des fibres et que la relation entre l’anatomie et la densité du bois dépend de l’espèce. Notre étude suggère qu’il est possible d’utiliser les profils de la densité du bois comme un proxy pour étudier la variabilité de l’anatomie du bois.Finalement, nous avons utilisé les profils de densité afin de comparer les patterns de croissance ligneuse de 13 espèces le long d’un gradient de précipitation. Nous avons utilisé l’analyse en ondelettes afin de dériver trois descripteurs de croissance : la régularité, la périodicité et l’amplitude des variations. Nous avons montré que la saisonnalité de précipitations influence la régularité de la croissance ligneuse et que les variations sont plus abruptes dans les sites avec une saisonnalité plus marquée. Nous avons aussi montré que les espèces décidues et sempervirentes ne réagissent pas de la même façon aux variations des patterns de précipitations.Nous pensons que ces résultats vont favoriser l’émergence d’outils prometteurs pour étudier la croissance des arbres et sa relation avec le climat. L’automatisation des mesures des traits anatomiques et l’utilisation des profils de densité du bois comme proxies vont aider à diminuer le temps de traitement des échantillons et augmenter leur nombre ainsi que la puissance des traitements statistiques. Par la description très fine des signaux cycliques qu’elle permet, l’analyse en ondelettes ouvre de nouvelles perspectives pour la description des profils de variation de la densité du bois et donc l’interprétation de la dynamique de croissance des arbres.