Résumé : RÉSUMÉ GÉNÉRALIntroductionMalgré les nombreux efforts consentis sur les plans international et national, la malnutrition demeure un défi majeur de santé publique au 21PeP siècle chez les enfants de moins de 5 ans, particulièrement dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. La malnutrition aiguë modérée est la forme la plus fréquente de malnutrition aiguë dans ces pays. Au Burkina Faso, 10 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’une malnutrition aiguë modérée et 20 % d’un retard de croissance modéré.Parmi les facteurs explicatifs de cette situation, on trouve d’une part les pratiques d'alimentation inappropriées du nourrisson et du jeune enfant, d’autre part les insuffisances du système de santé en raison de la mise en œuvre incomplète des programmes promotionnels et préventifs de nutrition.La stratégie de prévention de la malnutrition dans les pays à revenus faibles et intermédiaires mise en place depuis les années 1990 associe surveillance de la croissance et éducation nutritionnelle dans des programmes de suivi et de promotion de la croissance du jeune enfant.Deux approches sont préconisées dans le traitement de la malnutrition aiguë modérée : i) Une approche communicationnelle afin de faire évoluer les pratiques et pour la promotion des pratiques appropriées d’alimentation de complément. Cette approche est préconisée dans la plupart des pays à revenus faibles et intermédiaires ; elle est combinée avec des recommandations diététiques orientées vers l’utilisation d’aliments disponibles dans les ménages ; ii) la fourniture d’aliments de supplément fortifiés et riches en énergie, préconisés dans les situations d’urgence et dans certains pays soutenus par des organisations non gouvernementales. Les deux approches sont attrayantes, mais leur efficacité et le rapport coût-efficacité n'ont à ce jour pas été prouvés, de telle sorte qu’il n’existe jusque-là aucun consensus sur la meilleure stratégie de traitement de la malnutrition modérée.En revanche, des interventions basées uniquement sur l’éducation des mères, associées à une formation des agents de santé sur les pratiques alimentaires adéquates du jeune enfant et de la femme en âge de procréer ont prouvé leur efficacité en termes d’évolution des connaissances des mères et d’amélioration de la croissance des enfants.Dans le but de contribuer à la réflexion sur les meilleures stratégies de prévention de la malnutrition aiguë, de promotion de la croissance du jeune enfant et de traitement de la malnutrition aiguë modérée, dans un contexte de ressources limitées, des études ont été réalisées dans le district sanitaire de Houndé, à l’ouest du Burkina Faso. MéthodologieEn vue d’atteindre notre objectif, une série d’études a été réalisée depuis 2008 dans le district sanitaire de Houndé : Une étude transversale sur l’ensemble des centres de santé primaires du district sanitaire de Houndé en décembre 2008 ; l’objectif principal était d’identifier les insuffisances dans les prestations de services de nutrition pour les enfants de moins de 5 ans, aussi bien dans les soins préventifs que curatifs ; Une étude transversale, en population, pour estimer la prévalence des différentes formes de malnutrition du jeune enfant et le poids des déterminants immédiats que sont les pratiques d’allaitement et d’alimentation de complément, ainsi que la morbidité ; Un essai communautaire randomisé apparié à deux bras, ayant inclus 12 centres de santé entre 2009 et 2012 ; l’objectif était d’évaluer l’efficacité de la formation des agents de santé sur l’approche de soins centrée sur les besoins du patient, d’une part sur les pratiques d’allaitement et d’alimentation de complément, d’autre part sur l’état de santé et la croissance de l’enfant jusqu’à 18 mois ; Un essai communautaire randomisé à trois bras, ayant inclus 18 centres de santé entre 2010 et 2011 ; l’objectif était d’évaluer la faisabilité et l'efficacité de trois stratégies dans le traitement des enfants modérément malnutris : un aliment thérapeutique prêt à l’emploi localement produit, le CSB++ fourni par le PAM, et un counseling centré sur l’enfant et spécifique au contexte.RésultatsL’étude transversale au niveau des centres de santé a montré que la capacité structurelle des services de santé primaires était faible, avec des insuffisances dans l’offre de soins liée à la nutrition. Le score global moyen de soins pour un enfant malade était de 6,5 (intervalle de confiance: 5,9, 7,0) pour un maximum de 20 points. Le score de qualité le plus bas concernait la pratique de la communication: 5,5 (intervalle de confiance: 4,8, 6,2) sur 20 points. La taille de l'enfant a rarement été mesurée lors des consultations ; les pratiques d'alimentation ont été évaluées dans seulement 31,5 % des consultations ; enfin, le conseil sur les pratiques d'alimentation en cas de maladie n'a été fourni que dans 44,1 % des cas. Un faible taux de détection des cas de malnutrition a été observé dans le district (8,8 % des cas de malnutrition aiguë attendus ont été diagnostiqués par les centres de santé), avec une faible fréquentation des programmes de suivi de la croissance (38,4 % des enfants de 0 à 23 mois ont été vus en consultation le mois précédent).L’enquête en population a montré des pratiques d'allaitement et d'alimentation complémentaire sous-optimales et des taux élevés d'émaciation (16,4 %) et de retard de croissance (38,7 %) chez les enfants de moins de 5 ans.Les pratiques d’allaitement et d’alimentation de complément des mères ayant reçu un counseling centré sur les besoins de l’enfant depuis la période de la grossesse se sont améliorées comparativement à celles des mères du groupe contrôle. Le taux d’allaitement exclusif chez les enfants de moins de 6 mois dans le groupe d'intervention était de 54,3 % contre 42,3 % dans le groupe témoin (différence de proportion 12,8 %, IC 95 %: 2,1, 23,6, p = 0,020). Entre 6 et 18 mois, davantage d'enfants dans le groupe d'intervention ont reçu le nombre de repas quotidiens recommandé par l’OMS par jour (68,8 % contre 53,4 %, DP 14,1 %, IC 95 %: 9,0, 19,2, p < 0,001) et une diversité alimentaire adéquate (28,6 % contre 22,0 %, DP 5,9 %, IC 95 %: 2,7, 9,2, p < 0,001). Le poids à la naissance des nouveau-nés dans le bras d'intervention était en moyenne supérieur de 84,8 g (p = 0,037) à celui du groupe témoin. Cependant, nous n'avons trouvé aucune différence significative dans les paramètres anthropométriques de l'enfant ou la morbidité entre les groupes de l'étude jusqu’à 18 mois. L’essai randomisé pour le traitement de la malnutrition aiguë modérée a montré que le taux de récupération après trois mois de traitement était significativement plus faible dans le groupe counseling (57,8 %) que dans les groupes CSB++ (74,5 %) et ATPE (74,2 %) (p<0,0001). Le taux de fréquentation des formations sanitaires était également plus faible dans le bras counseling (74,1 ± 26,7 %, p < 0,0001) ; ce bras avait le taux d'abandon le plus élevé (18,5 %, p < 0,003). L’analyse ajustée sur la fréquentation des centres de santé ne montre aucune différence significative entre les bras, avec des ratios de taux d'incidence de récupération respectivement de 1,14 (IC 95 %: 0,99, 1,31) et 1,13 (IC 95 %: 0,98, 1,30) pour les bras CSB++ et RUSF, par rapport au bras counseling.ConclusionIl ressort des travaux menés dans le cadre de cette monographie que : Les services de nutrition fournis aux enfants de moins de 5 ans dans les centres de santé primaires sont de faible qualité ; Il existe un déficit de communication entre les agents de santé et les mères des enfants ; il a pour conséquence une exploration incomplète des pratiques d’allaitement et d’alimentation du jeune enfant, l'insuffisance de conseils nutritionnels prodigués lors des consultations pour nourrissons sains et malades ; Une intervention combinant une formation des agents de santé et la délivrance d’un counseling nutritionnel personnalisé lors des contacts de routine avec les services de santé est associée à une amélioration des pratiques d’alimentation pendant la grossesse, des pratiques d'alimentation du nourrisson et du jeune enfant, et du poids à la naissance des enfants ; Les stratégies de supplémentation alimentaires utilisant le CSB++ ou les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi sont plus efficaces que le counseling en nutrition dans le traitement de la MAM en milieu rural, du fait d’un faible taux de fréquentation des centres de santé par les femmes. Le counseling centré sur l’enfant, dans les centres de santé primaires, pourrait constituer une alternative pour la promotion de la croissance du jeune enfant et le traitement de la malnutrition aiguë modérée dans les zones de sécurité alimentaire. Cependant, des interventions complémentaires visant d’une part à assurer une bonne fréquentation des services de santé par les mères et leur participation régulière aux programmes préventifs et promotionnels, et d’autre part à motiver les agents de santé sont nécessaires. La faisabilité et l'efficacité de telles interventions dans l'amélioration de la croissance du jeune enfant sont des domaines à explorer dans des recherches ultérieures.