Résumé : Cette thèse est consacrée à dessiner les contours éthiques et historiques de la figure de l’écrivain mélomane, à une époque - l'entre-deux-guerres - où sa légitimité semble globalement mise en question. Nos recherches se concentrent sur la grande presse et les revues d’orientation artistique et littéraire qui ont animé les scènes culturelles belge et française de l'époque, et sur l'ensemble des monographies musicales parues dans les domaines linguistiques et nationaux définis. Nos analyses puisent à des disciplines variées, pour cerner la construction de cette figure au croisement de conditions de production et de processus énonciatifs. Elles s'inscrivent dans une histoire sociale des pratiques littéraires, médiatiques et musicales, inspirée de la sociologie des champs et des ensembles culturels. Nous convoquons l’histoire des sensibilités, en plein essor, et les théories de la légitimité culturelle, pour éclairer la question – centrale – des goûts et de l’expérience esthétique. Enfin, notre étude formelle emprunte à des travaux de pragmatique textuelle et d’analyse du discours. La première partie de la thèse est dédiée à cartographier un état des relations, chronologiquement et dynamiquement conçues, entre champ littéraire et champ musical d’une part, champ littéraire et champ médiatique de l’autre. On s'attache à l’examen empirique des supports d’expression, des trajectoires et pratiques de « consommation musicale » (collectives et individuelles) des écrivains : il s'agit de faire retour sur un moment, un ensemble de lieux et d’agents caractérisant un champ par nature éclaté, car défini à l’intersection de trois autres. La deuxième partie de notre travail, en dialogue étroit avec l’étude contextuelle, marque une transition vers l’analyse discursive : elle est consacrée à l’ « éthique » du commentaire musical chez l’homme de lettres ; à singulariser un ethos critique, plus exactement, véhiculé par son discours, et qui se décline en nature de représentations, d’imaginaire, voire d’idéologies. Dans une troisième et dernière grande partie, la réflexion porte sur les caractéristiques poétiques du discours sur la musique, et les formes que ce dernier revêt spécifiquement (ou plus significativement) sous la plume des écrivains. Nous tâchons de dégager une série de marqueurs distinctifs, avec cette exigence : aborder les phénomènes énonciatifs dans leur diversité et leur « porosité » l’un à l’autre, mais repérer tout à la fois leur organisation et leur homogénéisation stratégiques, en des espaces régis par des contraintes éditoriales et tournés vers un public déterminé.