par Timmermans, Luc
Président du jury Lebrun, Philippe
Promoteur Falez, Freddy
Publication Non publié, 2016-12-19
Président du jury Lebrun, Philippe
Promoteur Falez, Freddy
Publication Non publié, 2016-12-19
Thèse de doctorat
Résumé : | Introduction. L'incontinence urinaire ne peut être ignorée par l'expert lors de son évaluation. On ne peut toutefois pas attendre de la victime un énoncé de ce préjudice de manière ouverte et presque publique dans une sphère aussi chargée d'émotion. La pudeur élude ce handicap du discours revendicateur et le médecin devra rechercher les signes évocateurs de cette affection cachée par un sentiment de honte car il se doit d'évaluer le dommage et tout le dommage. Tant dans le cadre de l'expertise d'un dommage que de l'évaluation des atteintes de la santé dans un contexte de médecine sociale, le médecin se doit de recourir à des méthodes d'évaluation adaptées (et non invasives), fiables, reproductibles et scientifiquement validées. Les méthodes d'évaluation et leurs limites d'application dans un contexte non thérapeutique doivent être analysées de même que la procédure actuelle de l'évaluation personnelle dans le cadre de l'incontinence urinaire. Nous nous intéressons tout d'abord aux notions épidémiologiques en rapport avec l'incontinence urinaire en définissant le problème et en déterminant la terminologie adaptée au français. Après une analyse de la prévalence, nous présentons les facteurs de risque associés. Après avoir déterminé les facteurs prédictifs et précisé le principe d'anticipation, nous rapportons l'impact économique et social d'un tel symptôme. Le contexte non thérapeutique de l'expertise implique des limites dans la méthodologie d'évaluation. Nous reprenons les techniques non invasives d'évaluation en analysant la littérature avec les procédures utilisées dans ce travail. Nous évaluons les techniques peu invasives et analysons l'intérêt dans le cadre évaluatif des informations fournies par les techniques modérément invasives et invasives prescrites dans un cadre thérapeutique. La procédure actuelle d'évaluation de l'incapacité personnelle dans le cadre de l'incontinence urinaire est présentée avec une définition du terme "incapacité personnelle" et en précisant les liens de causalité. Sont indissociables du principe de causalité, les notions d'état antérieur et de prédisposition. Les techniques d'évaluation et de détermination du taux en Belgique et à l'étranger sont revues et l'aspect évaluatif spécifique à la médecine pratiquée dans le cadre de la sécurité sociale est étudié. L'objectif de la recherche comportait un volet permettant de calibrer le taux d'atteinte à l'intégrité physico-psychique d'une personne présentant une incontinence urinaire, un volet relatif à une application de cette méthode de calibrage dans le cadre des prestations d'évaluation médicale pour la sécurité sociale et un volet déterminant la fidélité et la sincérité des réponses des patients soumis à l'autoquestionnaire utilisé en tant qu'instrument évaluatif.Première étude.Objectif.-La détermination du préjudice corporel relatif à l'incontinence urinaire oblige au recours à des techniques d'évaluation non invasives et des plus précises de cet état en utilisant des instruments d'exploration en concordance avec la Classification Interntionale du Fonctionnement, du handicap et de la santé(CIF). Le but de cette étude est d'identifier le test évaluatif le plus adéquat et de déterminer un modèle barémique en rapport avec l'incontinence urinaire.Matériels et méthodes.-Nous avons réalisé une étude transversale prospective comparant les résultats des tests urodynamiques successifs avec les scores du questionnaire International Consultation on Incontinence Questionnaire-Urinary Incontinence-Short Form (ICIQ-UI-SF) et le test d'incontinence (pad-test) réalisé en une heure sur 120 patients. Nous avons procédé par analyse statistique de probabilité des événements puis utilisé la régression logistique afin de calculer la probabilité d'incontinence urinaire en fonction des facteurs prédicteurs les plus significatifs. Par la suite, nous avons créé une grille basée sur les prédicteurs significatifs et leur probabilité d'une incontinence urinaire objectivée sur base d'un examen urodynamique.Résultats.-Le score moyen ICIQ-UI-SF était de 13,5±4,6 et la valeur médiane du pad test était de 8 g. L'évaluation basée sur la construction ROC (receiver operating characteristic) démontre la pertinence des résultats urodynamiques avec les scores ICIQ-UI-SF (Aire Sous Courbe 0,689) et les résultats du test d'incontinence-pad test (Aire Sous Courbe 0,693). En procédant par régression logistique, nous avons démontré que les meilleurs prédicteurs indépendants d'une incontinence urinaire objectivée par un test urodynamique étaient l'âge du patient et le score ICIQ-UI-SF. Le modèle obtenu par régression logistique nous a permis de construire une équation permettant de déterminer la probabilité d'incontinence urinaire ojectivée sur base d'un examen urodynamique à l'aide de ces prédicteurs. Utilisant ces instruments, nous avons créé une grille générant un index de probabilité.Conclusion.-En utilisant cette grille d'index de probabilité, relative au patient et à son taux maximum d'invalidité en rapport avec l'incontinence urinaire, nous devenons capable de calculer son incapacité personnelle.Seconde étude.Objectif.-Des forfaits financiers sont octroyés par la sécurité sociale sur base de critères de dépendance déterminés par une échelle d'évaluation hiérarchisée, scorée en quatre points, appelée échelle de Katz dont le cinquième item concerne la continence urinaire et fécale. L'objectif de cette étude est de démontrer que le questionnaire ICIQ-UI-SF peut être utilisé afin de déterminer un score applicable en médecine factuelle pour évaluer le degré d'incontinence demandé par l'échelle de Katz-6 et permettre la distinction entre le score 2 (est accidentellement incontinent) et le score 3 (est incontinent).Matériels et méthodes.-La capacité fonctionnelle de 63 patients (14 hommes, 49 femmes, âgés de 70 à 99 ans) a été évaluée sur base d'un Mini Mental State Examination (MMSE), d'un index de Katz pour les activités de vie quotidienne et d'un questionnaire ICIQ-UI-SF. Une analyse comparative des moyennes a été réalisée. Les scores observés lors du questionnaire ICIQ-UI-SF ont été introduites comme variables. Les données observées dans la population scorée 2 à l'item continence ont été comparées aux données de la population scorée 3 pour le même item en réalisant un graphe type box-and-whisker and dot plot. La sensibilité et la spécificité de chaque variable ont été testées et les résultats évalués en réalisant une courbe ROC (Receiver Operating Characteristic). La meilleure variable (score ICIQ-UI-SF) a été retenue comme score pivot permettant la distinction des patients pouvant être scorés 2 ou 3 sur l'item continence de l'échelle de Katz.Résultats.-Des différences significatives ont été observées entre l'échantillon scoré 2 pour l'item continence de l'échelle de Katz et l'échantillon scoré 3 pour le même item et le score du questionnaire ICIQ-UI-SF et le score global de l'échelle de Katz mais nous n'avons pas observé de différence significative en rapport avec le score MMSE. Sur base de l'analyse ROC, nous avons comparé le pouvoir discriminant du score ICIQ-UI-SF par rapport au score de l'item continence de l'échelle de Katz. Le score ICIQ-UI-SF le plus favorable en sensibilité et spécificité s'est révélé être le score de 13.Conclusion.-Nous avons démontré que la variable la plus significative (score ICIQ-UI-SF) à retenir comme score pivot pour distinguer les patients pouvant être scoré 2 ou 3 sur l'item continence de l'échelle de Katz est la valeur 13.Troisième étude.Objectif.- Nous avons recherché les éléments de personnalité dans une population ayant une incontinence urinaire. Une corrélation entre les résultats du questionnaire de personnalité Minimult et les résultats de l'ICIQ-UI-SF (International Consultation Incontinence Questionnaire Urinary Incontinence Short Form) a été réalisée. Le but du travail est d'objectiver la fiabilité et la sincérité des réponses des patients et, par ailleurs, de rechercher les éléments permettant d'établir qu'un trouble de personnalité pourrait être impliqué dans la physiopathologie de l'incontinence urinaire.Matériels et méthodes.- Nous avons réalisé une étude prospective observationnelle. Un questionnaire informatisé comprenant une double présentation des trois questions scorées de l'ICIQ-UI-SF parmi les 71 questions du Minimult a été proposé à 47 patients.Résultats.- Sur 37 patients inclus, le test non paramétrique Wilcoxon-Mann-Whitney a conforté la concordance des deux questionnaires ICIQ-UI-SF avec p=0.1792. Parmi ceux-ci, l'inventaire Minimult a permis de sélectionner 23 patients dont le score de l'échelle de validité F (avec F<70) autorisait une analyse clinique fiable. Un score F>70 correspond à une personne "qui accentue ses symptômes" ou peut être significatif d'un trouble de l'attention ce qui justifie l'exclusion de ces patients. Nous avons comparé la différence des scores de l'ICIQ-UI-SF lors des test et re-test aux scores obtenus sur l'échelle de validité F, indicateur de surcharge, du questionnaire Minimult en utilisant l'analyse ROC. Les résultats ont démontré une AUC de 0,559 avec une sensibilité de 78,6% et une spécificité de 43,5%. Parmi cette population valide de 23 patients, aucun score L n'était supérieur à 70 ce qui indique l'absence de mensonge délibéré. L'analyse de personnalité de cette même population n'a détecté aucun trouble de personnalité dans 9 cas. Elle a démontré six cas présentant une valeur élevée sur l'échelle d'hypochondrie, cinq une valeur élevée dans l'échelle dépression, quatre une valeur élevée dans l'échelle d'hystérie. Cette triade névrotique a été retrouvée dans deux cas. La déviation psychopathique (Pd) relative à un registre antisocial était retrouvée dans cinq cas tandis que l'échelle paranoïa ainsi que l'échelle d'hypomanie était élevée dans un cas mais aucune association entre ces traits de personnalité n'était observée ce qui permettait de conclure en l'absence de problèmes de comportement. Le profil psychotique associant schizophrénie, paranoïa, dépression et hypomanie n'a été retrouvé dans aucun cas. Le tableau psychasthénie qui correspond à des traits de personnalité phobo-obsessionnels était retrouvé dans près de la moitié des cas valides.Conclusion.- Nous concluons qu'une corrélation entre les résultats d'un questionnaire de personnalité et les résultats de l'ICIQ-UI-SF est réalisable. Cette étude comparative objective la fiabilité des réponses des patients tandis que la sincérité de celles-ci est déterminée par l'absence de mensonge délibéré recherché par le Minimult. Nous confirmons et précisons les données de la littérature sur les différents tableaux cliniques de la personnalité des patients incontinents en soulignant l'importance du tableau psychasthénie qui correspond à une personne anxieuse victime d'un important ressenti de son problème. Ces éléments permettent de suspecter qu'un trouble de personnalité pourrait être impliqué dans la physiopathologie de l'incontinence urinaire.Conclusions générales. La fiabilité et la sincérité des réponses au questionnaire ICIQ-UI-SF étant démontrée par les études relatives à la validité de celui-ci et au travers d'une étude concluant entre une corrélation entre les résultats obtenus lors du questionnaire et un test de personnalité démontrant l'absence de mensonge délibéré, nous avons pu démontrer que la valeur pivot du questionnaire ICIQ-UI-SF permettant la distinction entre le score 2 et 3 de l'item continence de l'échelle de Katz est de 13. Cette observation relève d'une importance majeure dans le cadre de la médecine pratiquée dans le domaine de la sécurité sociale et en particulier lors du financement des soins aux personnes dépendantes. Sur base d'une étude prospective, nous avons déterminé les facteurs prédictifs les plus significatifs d'une incontinence urinaire et construit une formule établissant une probabilité d'incontinence. Une grille établissant cette probabilité en fonction de l'âge du patient et son score ICIQ-UI-SF a été réalisée laquelle a permis la détermination de taux d'incapacité personnelle selon des catégories de sévérité du handicap. Un schéma établissant des "fourchettes" de taux a pu être élaboré et repris ci-dessous.Catégorie d'incontinence Score ICIQ-UI-SF Incapacité PersonnelleLéger 1 à 5 0 à 6%Modéré 6 à 12 7 à 14%Sévère 13 à 18 15 à 21%Très sévère 19 à 21 22 à 30% Le niveau de preuve élevé des études réalisées permet de recommander l'utilisation du schéma établissant un fourchette de taux de l'A.I.P.P. , ce qui permet de moduler les taux de l'incapacité personnelle proposés par le Guide Barème Européen d'une personne présentant de l'incontinence urinaire. L'indemnisation de la victime est ensuite modulée en tenant compte des répercussions fonctionnelles du dommage sur sa vie quotidienne et non sur base d'un diagnostic ou d'une lésion. |