Résumé : Nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de 65 anciens enfantsjuifs cachés durant la deuxième guerre mondiale, situation évaluée comme untraumatisme dans l’enfance, ainsi qu’auprès de leurs enfants. Nous avons comparé cesanciens enfants cachés à 65 sujets ni juifs ni cachés d’âge comparable. Dans unpremier temps, nous nous sommes intéressés au degré d’anxio-dépression de cespopulations consécutivement en tenant compte de deux variables : l’existence dupremier traumatisme dans l’enfance (enfants cachés ou non) et la présence oul’absence d’éventuels traumatismes ultérieurs. L’effet de ces deux variables surl’anxio-dépression a été expliqué par leurs effets sur les compétences de résilience.Les variables Anxio-Dépression et Résilience ont été mesurées quantitativement surbase d’échelles validées. De plus, nous nous sommes intéressés à un concept prochede la résilience, le Sens de la Cohérence (SOC), également mesuré sur base d’uneéchelle quantitative validée. Quatre résultats majeurs ressortent de notre enquête.Premièrement, nous avons démontré que la résilience subit une érosion sousl’effet de traumatismes multiples (phénomène de sensibilisation), ce qui augmente lerisque de développer des troubles anxio-dépressifs. De ce fait, la résilience n’est pasun trait de personnalité, fixé pour la vie entière une fois le développementpsychologique de l’individu accompli, mais s’assimile à une aptitude, susceptible des’éroder mais aussi de se renforcer par des techniques psychothérapeutiquesspécifiques. Nous confirmons les résultats des précédentes recherches montrant que larésilience n’est pas un bloc monolithique mais plutôt un concept multifactoriel quis’appuie sur les ressources propres de l’individu, celles de son milieu familial et cellesde son milieu social.Deuxièmement, nous avons pu démontrer que le SOC s’érode lui aussi sousl’effet de traumatismes multiples mais que, contrairement à la résilience, il a unedouble composante, à la fois aptitude et trait de personnalité ; c’est-à-dire qu’unepartie du SOC ne s’érode pas en fonction des expériences traumatiques rencontrées aulong de l’existence et apparaît comme une composante stable fixée dès l’enfance.Troisièmement, notre recherche a permis de démontrer que la survenue d’untraumatisme ultérieur aggrave la perception qu’a un individu d’un traumatisme subidurant l’enfance, montrant en cela que la mémoire et les souvenirs ne sont pas figésune fois pour toutes mais sont en perpétuel remaniement, modelés par les interactionsconstantes entre le passé et le présent.Quatrièmement, notre recherche a montré que la présence d’un traumatismemajeur chez les parents peut engendrer une altération du fonctionnement familial quiempêcherait leurs enfants de développer des stratégies efficientes d’adaptation auxstress et aux traumatismes (résilience et SOC), ce qui favorise, chez eux, ledéveloppement de troubles anxio-dépressifs.Au travers de ces conclusions, nous abordons les conséquences à la foisthéoriques et cliniques. Nous soulignons les principales limitations de nos études