Résumé : Les papillomavirus humains (HPV) oncogènes sont les agents étiologiques des cancers du col utérin. S’il est établi que 30 à 60% des femmes sont infectées par un HPV oncogène, seul 1% des cas d’infection évoluera vers un cancer invasif, les autres se résolvant spontanément, ce qui autorise à penser qu’une vaccination adéquate pourrait permettre de maîtriser, voire de guérir, les lésions (pré)cancéreuses induites par ces virus. A ce titre, les cibles préférentielles sont les protéines virales E6 et E7. En effet, non seulement ces protéines sont à la base du processus de transformation cellulaire et leur présence est requise pour le maintien du phénotype transformé mais, de plus, elles contiennent des épitopes reconnus par les lymphocytes T auxiliaires et cytotoxiques. Nous avons choisi d’orienter nos recherches sur le virus HPV de type 16 car son incidence est majeure. De même, le taux élevé d’expression de la protéine E7 dans les tumeurs nous a conduit à la choisir comme cible. Notre travail a consisté en la construction de vecteurs plasmidiques codant pour des protéines HPV-16 E7 native ou de fusion. Les fusions ont été réalisées afin de modifier la nature de la protéine E7 afin de la cibler vers les voies de présentation en association avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I ou de classe II (MHC-I ou MHC-II). Nous avons étudié et comparé les réponses induites par nos vecteurs afin de déterminer le vecteur le plus efficace. Nous avons ensuite étudié le mécanisme d’action de ce vecteur afin de déterminer les points clés de l’élaboration d’une réponse immune anti-HPV-16 E7. Nous avons ainsi déterminé que cibler la protéine HPV-16 E7 vers la voie du MHC-I (protéines de fusion avec l’ubiquitine; Ub) n’augmentait pas son immunogénicité. A l’inverse, le ciblage de cet antigène vers la voie du MHC-II (protéine de fusion avec la chaîne invariante; Ii) permet à une majorité de souris C57BL/6 de résister à l’injection d’une dose léthale de cellules tumorales syngéniques E7-positives. Nous avons également montré que l’injection du vecteur ciblant E7 vers la voie du MHC-II permet l’élimination de cellules présentant un épitope classe I H-2Db. Cette réponse est médiée par des lymphocytes T CD8+. Nous avons également montré que, si la présence des cellules T CD4+ n’est pas nécessaire pour l’élimination proprement dite de cellules E7-positives, la génération des effecteurs de cette élimination requiert la présence de lymphocytes T CD4+. Nos investigations nous ont permis d’émettre l’hypothèse de l’apparition d’une réponse par transfection directe d’APC et présentation d’épitopes par les voies classiques sur MHC-I et –II, le phénomène de cross-présentation semblant ne pas être impliqué dans la genèse de la réponse. Nos résultats suggèrent donc que c’est l’instabilité de E7 qui fait de cet antigène abondamment synthétisé un piètre inducteur de réponses cytotoxiques. En effet, l’ubiquitination N-terminale de E7 provoque sa dégradation rapide et pourrait empêcher sa sécrétion. Lorsque l’on tient compte de la nécessité de l’activation de cellules T auxiliaires dans l’élaboration des réponses anti-E7 enregistrées, cette dégradation pourrait permettre à E7 de ne pas être présenté sur MHC-II et donc de ne pas générer les cellules CD4+ requises pour la génération des cellules CD8+. Finalement, nous avons montré que cibler une protéine E7 délétée de son motif oncogénique majeur vers la voie du MHC-II menait à l’apparition de réponses cytotoxiques anti-E7 efficaces.