Résumé : S'il est aujourd'hui moins connu que ses contemporains André Campra (1660-1744) ou Jean-Philippe Rameau (1683-1764), l'abbé Madin (1698-1748), selon Évrard Titon du Tillet « un des meilleurs compositeurs de ce siècle pour les motets », est une des figures les plus représentatives de la vie musicale sous Louis XV. Il fut, post mortem, le compositeur le plus joué à la Chapelle royale de Versailles. Comme une partie du répertoire de cette institution, ses motets à grand chœur nous sont parvenus sous forme de partitions réduites. Cet usage, propre à la musique française de l'Ancien Régime, consistait à copier les chœurs, les solistes, les dessus de violon et la basse continue en omettant les parties intérieures de l'orchestre. En nombre variable, de deux à trois, ces parties, qui existaient sur le matériel d'orchestre, ont très souvent été perdues. Pour restituer cette musique aujourd'hui, une des options possibles consiste à recomposer ces parties selon les critères esthétiques de l'époque et le style propre à chaque compositeur.La présente thèse, tout d'abord, entame une réflexion sur l'acte d'ajout de parties manquantes dans les œuvres lacunaires du passé. Elle propose ensuite, une restitution de l'intégrité orchestrale de trois motets à grand chœur de Henry Madin (Beatus vir, De profundis, Te Deum) qui servirent de terrain d'expérimentation. Ils sont présentés dans leur intégralité, en partitions et, pour certains extraits, en enregistrements. Enfin, la thèse tend à démontrer qu'une telle démarche éclaire les œuvres d'une nouvelle lumière et leur redonne un éclat nouveau que la patine avait terni.Bien que l'ajout de parties ne puisse rendre son état originel aux motets abordés, le postulat de départ est de se positionner dans un contexte historico-stylistique le plus proche possible des sources étudiées. Cette attitude passe par l'étude des formes musicales, du contrepoint et de l'harmonie au XVIIIe siècle, des sources musicales, des effectifs et des traditions de la Chapelle royale de Versailles. Subséquemment, ces recherches, indispensables à la mise en œuvre de l'expérimentation, apportent un éclairage original sur les pratiques musicales et les œuvres de cette institution dans la première moitié dudit siècle.Aussi poussées que puissent être les recherches et analyses, l'expérimentation démontre que les prises de décisions relèvent du seul libre arbitre du musicien intervenant dans les œuvres, acte éminemment artistique. La thèse positionne ainsi la démarche entre science et art.