Résumé : L’objectif de ce travail de thèse était d’investiguer l’influence de la valence émotionnelle négative, positive ou taboue des mots parlés sur l’orientation des ressources attentionnelles, dans la population tout-venant. Pour ce faire, j’ai élaboré des adaptations auditives de paradigmes expérimentaux qui avaient été utilisés auparavant dans le but d’explorer l’influence du contenu émotionnel de stimuli visuels sur l’allocation de l’attention : le paradigme de déploiement de l’attention (Etudes 1 et 3), le paradigme de Stroop émotionnel (Etude 2) et le paradigme d’indiçage spatial émotionnel (Etude 4).

En particulier, les Etudes 1, 3 et 4 m’ont permis d’examiner l’influence de la valence émotionnelle de ces stimuli sur l’attention sélective à une localisation spatiale, évaluée au travers des réponses à une cible subséquente.

Dans la situation de compétition pour les ressources attentionnelles spécifique au paradigme de déploiement de l’attention (Etudes 1 et 3), nous avons observé un engagement préférentiel des ressources attentionnelles vers la localisation spatiale des mots tabous, lorsque ceux-ci étaient présentés à droite, par rapport à la localisation spatiale des mots neutres présentés conjointement. Ces biais attentionnels ont été observés quelle que soit l’attention portée volontairement aux stimuli, la nature de la tâche à réaliser sur la cible, ou la charge cognitive liée à la tâche. De tels biais ont également été observés envers la localisation spatiale des mots négatifs et positifs, mais de manière moins robuste. Lorsque deux stimuli rivalisent pour l’orientation des ressources, la valence choquante serait donc cruciale pour l’orientation de l’attention spatiale. De plus, les mots tabous induisent un ralentissement général des temps de réaction (TRs) à la cible subséquente, quelle que soit sa localisation spatiale.

Au contraire, lorsque des mots-indices sont présentés isolément dans le paradigme d’indiçage spatial émotionnel (Etude 4), la valence émotionnelle négative des mots, mais pas leur valence choquante, paraît cruciale pour l’observation d’effets spatiaux : les stimuli les plus négatifs moduleraient l’orientation spatiale automatique de l’attention suscitée par leur présentation périphérique. Plus précisément, ils empêcheraient l’application de processus attentionnels inhibiteurs des localisations déjà explorées. En outre, la présentation d’un indice périphérique négatif accélère le traitement d’une cible subséquente, quelle que soit sa localisation spatiale.

L’influence de la dimension émotionnelle des mots parlés sur l’attention sélective à une dimension (non-émotionnelle) de ces stimuli a été investiguée grâce au paradigme de Stroop émotionnel (Etude 2). Contrairement à mes autres études, aucun déplacement attentionnel spatial n’était impliqué dans cette situation puisque les participants devaient répondre à chaque essai à une dimension non-émotionnelle (l’identité du locuteur) du stimulus (potentiellement émotionnel) présenté. J’ai ainsi observé une influence de la dimension émotionnelle taboue ou négative des mots sur le traitement de la dimension pertinente d’un mot neutre subséquent, mais pas sur le traitement de la dimension pertinente de ces mots eux-mêmes, suggérant l’occurrence d’effets lents, inter-essais, des mots tabous et négatifs, mais pas d’effet rapide.

Ces données appuient donc l’existence, dans une population tout-venant, d’un mécanisme de traitement involontaire du contenu émotionnel des mots parlés qui influence non seulement l’orientation spatiale et dimensionnelle de l’attention mais également, de manière plus générale, la latence des réponses fournies par le sujet.