Résumé : Staphylococcus aureus est une bactérie commensale et pathogène qui s’est rapidement adaptée à la pression sélective des antibiotiques entraînant la diffusion de souches résistantes à la méticilline (MRSA). En Belgique, des souches appelées Healthcareassociated (HA)-MRSA sont devenues endémiques dans les hôpitaux, causant de nombreuses épidémies durant les années 90.

Parallèlement, des cas d’infections communautaires par des souches appelées Community-associated (CA)-MRSA produisant la leucocidine de Panton-Valentine (PVL) ont été rapportées en Europe, en Australie et aux USA, chez des patients jeunes sans contact avec les institutions de soins. Depuis 2005, une prévalence élevée de portage de MRSA a été observée chez les porcs, les éleveurs et les vétérinaires aux Pays-Bas et dans les pays voisins. Ces souches dites Livestock-associated (LA)-MRSA montrent une origine génétique distincte des souches humaines précédemment décrites.

Nos travaux de recherche ont porté sur l’épidémiologie et la caractérisation moléculaire de la colonisation et l’infection par S. aureus dans diverses populations humaines en Belgique afin d’élucider : 1) l’évolution de la distribution spatio-temporelle des clones épidémiques de MRSA parmi les patients hospitalisés au cours de la période de 1995 à 2003 ; 2) les mécanismes moléculaires de résistance aux antibiotiques associés à ces clones ; 3) les relations phylogénétiques entre souches de S. aureus sensibles et résistantes à la méticilline parmi les patients hospitalisés afin d’identifier l’origine probable des clones épidémiques ; 4) la prévalence et les facteurs de risque de portage de MRSA parmi les résidents des maisons de repos et l’origine de ces souches ; 5) l’origine des souches de CA-MRSA et les profils cliniques des infections associées ; 6) la prévalence et les facteurs de risque associés au portage de MRSA et la diffusion des souches de MRSA dans les fermes d’élevage porcin.

Des enquêtes multicentriques nous ont permis de caractériser les souches de S. aureus résistantes et sensibles à la méticilline affectant les patients hospitalisés (4 enquêtes, 1995 -2003), les patients ambulants (1 enquête, 2002-2004), les résidents dans des maisons de repos et de soins (1 enquête en 2005) et les habitants des fermes d’élevage porcin (1 enquête en 2007). Ces souches ont été caractérisées par détermination du type de cassette mec (SCCmec typing), séquençage d’un gène hypervariable (spa typing) et de 7 gènes de ménage (multi-locus sequence typing, MLST), combinées à l’analyse par électrophorèse en champs pulsé (PFGE) du profil de acrorestriction génomique. Les gènes codant pour trois classes d’antibiotiques et les toxines, PVL, TSST-1 et exfoliatines, ont été recherchés par PCR.

L’étude des souches de MRSA a montré une diversification importante des clones dans les hôpitaux, avec le remplacement d’un clone multi-résistant par des clones plus sensibles aux antibiotiques. La distribution des gènes de résistance ainsi que du gène TSST-1 était fortement liée au génotype. Les S. aureus sensibles à la méticilline (MSSA) montraient une plus grande diversité génotypique que les MRSA. La majorité des MRSA épidémiques appartient à des génotypes endémiques de MSSA, suggérant la possibilité d’émergence locale de MRSA par acquisition récente de l’élément mobile SCCmec.

D’autres souches de génotypes pandémiques pourraient avoir été importées en Belgique. L’enquête dans les maisons de repos et de soins a montré une prévalence élevée de résidents porteurs de MRSA. L’exposition aux antibiotiques, les lésions cutanées, la perte de mobilité, l’absence de formulaire thérapeutique et de procédures d’hygiène pour le contrôle du MRSA, associée à un nombre élevé de médecins, augmentaient significativement le risque de portage. La présence des mêmes génotypes dans les hôpitaux et les maisons de repos d’une même province suggère des transferts locaux de MRSA entre patients résidant dans et circulant entre ces secteurs de soins.

Les souches de CA-MRSA productrices de toxine PVL importées ou acquises en Belgique appartiennent à divers génotypes. La présence de MRSA de même lignée clonale mais présentant des profils de virulence différents clonale dans les institutions de soins et dans la population générale suggère que ces souches ont évolué de manière divergente dans des environnements différents.

Nous avons documenté une prévalence très élevée de porteurs de MRSA de génotype ST398 chez les éleveurs de porcs. Le réservoir de ce clone est très probablement d’origine animale, la transmission à l’homme ayant lieu par contact avec des animaux d’élevage ou de compagnie et potentiellement, par voie alimentaire.

En conclusion, S. aureus est un pathogène capable de s’adapter dans des environnements très différents. Les souches épidémiques résistantes aux antibiotiques, qu’elles soient d’origine hospitalière, communautaire ou animale, appartiennent à un nombre limité de génotypes bien établis dans chaque écosystème au niveau local ou régional. L’étude approfondie de la dynamique de transmission des MRSA, et de leur profil de résistance dans la communauté, les secteurs des soins aigus et chroniques et l’élevage, est indispensable pour définir les stratégies cliniques et de santé publique pour adapter les schémas thérapeutiques et endiguer l’endémie d’infections à MRSA.