Résumé : Le but de la première partie de ce travail était de mieux comprendre la tumorigenèse thyroïdienne à

partir de modèles murins transgéniques développant des tumeurs de la thyroïde. Nous avons ainsi

analysé par microarrays l’expression génique au sein de thyroïdes de souris Tg-RP3 exprimant le

réarrangement RET/PTC3, responsable de cancers papillaires de la thyroïde chez l’homme (PTC), et

de souris Tg-E7 exprimant l’oncogène E7, responsable de cancers du col de l’utérus chez la femme.

Ces deux gènes étaient exprimés exclusivement dans la thyroïde grâce à un promoteur thyroglobuline.

Nous avons comparé les profils d’expression entre les différents génotypes (sauvages, Tg-RP3 et Tg-

E7) mais également entre différents âges (2, 6 et 10 mois). Sur le plan histologique, les souris Tg-E7

développaient d’énormes goitres avec une dysplasie de plus en plus marquée, mais n’ont pas démontré

de réelles lésions de carcinomes aux différents âges étudiés. Les thyroïdes de souris Tg-RP3

démontraient quand à elle une prolifération cellulaire et une croissance plus modérées, mais des

remaniements tissulaires plus importants, présents dès 2 mois, avec apparition de lésions de carcinome

chez de nombreux animaux essentiellement à 6 et 10 mois. Les résultats de l’analyse de l’expression

génique par microarrays rejoignaient ces observations histologiques. Dans les thyroïdes E7, ce sont

essentiellement les gènes impliqués dans le cycle cellulaire qui ont démontré une surexpression

significative. Dans les thyroïdes RP3, les processus cellulaires les mieux représentés par les gènes

surexprimés étaient déjà décrits comme des processus ayant un rôle important dans la tumorigenèse

thyroïdienne humaine : l’inflammation, le remodelage du milieu extracellulaire et l’angiogenèse. De

plus, plusieurs gènes classiquement surexprimés dans les PTC humains, l’étaient également dans les

thyroïdes RP3. Parmi ceux-ci le récepteur de la vitamine D (VDR) et la 1-alpha-hydroxylase

(CYP27B1), responsable de la conversion de la 25-hydroxyvitamine D3 en 1,25-dihydroxyvitamine

D3, ont particulièrement retenu notre attention étant donné une littérature croissante sur les effets antiprolifératifs

et immuno-modulateurs de la 1,25-dihydroxyvitamine D3 (calcitriol). Nous avons donc

étudié dans la deuxième partie de notre travail les effets anti-prolifératifs et transcripionnels du

calitriol sur plusieurs modèles thyroïdiens in vitro et in vivo. Si nous n’avons pu démontrer d’effets

concluants sur des lignées de cancers thyroïdiens humains, nous avons par contre démontré un effet

anti-prolifératif, le plus souvent dose-réponse, du calcitriol sur des cultures primaires de thyroïdes de

souris sauvages, Tg-RP3, Tg-E7 et humaines. Seule la 24-hydroxylase, intervenant dans l’inactivation

de la vitamine D, et le récepteur à la TSH ont démontré une surexpression significative en présence de

calcitriol par RTQ-PCR. Une étude d’expression génique par microarrays sur des cultures primaires de

thyroïdes RP3 et humaines traitées par éthanol (contrôle) ou calcitriol a permis de mettre en évidence

3 gènes significativement régulés dans le même sens, en l’occurrence sous-exprimés, en présence de

calcitriol : la nébulette, la thymopoïétine et la cycline E2. Le rôle exact joué par ces trois protéines

dans l’effet anti-prolifératif observé reste à déterminer. Les études in vivo de carence alimentaire en

vitamine D de souris Tg-RP3 n’ont pas démontré de différences significatives entre le groupe carencé

et non carencé que ce soit en termes de croissance glandulaire ou d’expression génique, après 2 ou 6

mois de carence. Seule la 1-alpha-hydroxylase est apparue significativement surexprimée après 2

mois, surexpression disparaissant après 6 mois. Cette régulation pourrait témoigner d’un mécanisme

d’adaptation de la thyroïde qui tente de contrer la carence en vitamine D circulante en augmentant la

concentration locale de vitamine D active. Ce phénomène disparaissant à 6 mois, il serait intéressant

de prolonger la carence au-delà de 6 mois pour assurer une réelle carence locale en 1,25-

dihydroxyvitamin D3. Nous avons ensuite traité des souris Tg-RP3 puis Tg-E7 par des doses variables

de CD578, un analogue « non calcimimétique » du calcitriol. Il est apparu que la dose ayant un effet

significatif au niveau transcriptionnel (surexpression de la 24-hydroxylase) était également la dose la

plus toxique, entrainant une hypercalcémie parfois létale. Le protocole principal a du être écourté en

raison d’un excès de mortalité. Le petit nombre d’animaux ayant survécu ne nous a pas permis de

conclure à une différence d’expression significative du Ki67 dans les thyroïdes de souris traitées par

CD578 par rapport aux souris contrôles. De nouvelles expériences devront donc être réalisées aux

doses les moins toxiques, administrées sur une plus longue période et sur un plus grand nombre

d’animaux, afin d’augmenter la probabilité d’observer un effet sur la prolifération, voire la

différenciation tissulaire.