Résumé : Après un coma, certains patients restent de manière prolongée dans un état d’éveil non-répondant (éveil sans conscience) ou en état de conscience minimale (éveil et fluctuation de la conscience) (Gosseries & Bruno et al., 2011b). Des travaux antérieurs ont montré que l’évaluation comportementale aboutissait fréquemment à des erreurs diagnostiques. Des études de neuroimagerie en IRM et TEP se sont développées pour mesurer plus objectivement l’état de conscience de ces patients (Gosseries et al., 2011d). Ces techniques ne sont cependant pas encore assez sensibles pour détecter des signes de conscience au niveau individuel. Le premier objectif de ce travail est de valider de nouveaux marqueurs diagnostiques paracliniques en utilisant d’autres outils tels que l’électroencéphalographie et la stimulation magnétique transcrânnienne. D’un point de vue neuroscientifique, les théories de l’information intégrée (Tononi, 2004), de l’espace de travail neuronal global (Dehaene et al, 2006) et du syndrome de déconnexion (Laureys et al., 2005c) émettent l’hypothèse qu’un réseau neuronal largement connecté et spécialisé est requis pour l’émergence de la conscience. Ces modèles proposent un parallèle entre la connectivité au sein d’un large réseau fronto-pariéto-thalamique et le degré de conscience d’un sujet. Le second objectif de notre travail est de tester ces hypothèses, en intégrant nos résultats dans un cadre théorique général de la conscience.

Evaluation comportementale. Avant de plonger dans le vif du sujet, nous avons évalué des facteurs pronostiques à court terme de la récupération fonctionnelle après un coma. L’intervalle de temps entre la lésion cérébrale et l’admission dans un centre de réadaptation, le score à la Disability Rating Scale à l’admission et l’étiologie semblent de bons facteurs pronostiques. Nos modèles de prédiction ne peuvent cependant pas être utilisés dans le cadre des décisions cliniques individuelles, en raison d’une trop grande variabilité entre les patients (Gosseries & Whyte et al. 2009).

Evaluations électroencéphalographiques (EEG). Une mesure automatisée d’EEG-entropie a permis de discriminer entre les patients conscients et inconscients dans les stades aigus avec une très bonne sensibilité (Gosseries et al., 2011b). Les valeurs de l’EEG-entropie étaient élevées chez les patients en état de conscience minimale alors qu’elles étaient basses chez les patients en état d’éveil non-répondant, suggérant une diminution de la complexité cérébrale chez ces derniers. Cette technique, qui est facilement applicable en routine clinique, n’a par contre montré aucune valeur pronostique. Une seconde mesure a ensuite été évaluée à l’aide des potentiels évoqués auditifs combinés à des analyses spécifiques de reconstruction de source. Ces données ont montré une altération des connexions cortico-corticales (connexions rétrogrades fronto-temporales) chez les patients en état d’éveil non-répondant (Boly et al., 2011a). Ces résultats nécessitent encore une validation au niveau individuel mais soulignent l’importance des projections neuronales rétrogrades dans l’émergence de la conscience, et confirment les hypothèses de la perte de connectivité effective et du syndrome de déconnexion chez les patients en état de conscience altérée.

Stimulation magnétique transcrânienne (SMT). Nous avons ensuite utilisé la technique SMT pour mesurer les connexions cortico-spinales. Les mesures électromyographiques ont montré des résultats globalement similaires au niveau périphérique alors que les mesures corticales différaient selon le niveau de conscience. En effet, le seuil moteur, les courbes de recrutement et l’inhibition afférente à courte latence étaient altérés chez les patients, et les deux dernières mesures étaient en lien avec le niveau de conscience des patients (Gosseries & Lapitskaya et al., soumis). Ces résultats suggèrent donc une diminution de l’excitabilité et de l’inhibition cortico-spinale, ainsi qu’un syndrome de déconnexion d’origine corticale chez les patients en état de conscience altérée. Combinaison de la SMT et de l’EEG. Enfin, nous avons évalué directement l’effet de la SMT sur l’activité du cortex cérébral (Gosseries & Rosanova et al., soumis). Cette méthode a permis de différencier au niveau individuel les patients en état d’éveil non-répondant des patients en état de conscience minimale. Chez les premiers, la réponse était initialement plus forte mais s’éteignait rapidement et ne se dispersait pas au-delà du site de stimulation. Chez les patients en état de conscience minimale, une réponse initiale au site de stimulation était suivie par une séquence complexe d’ondes qui se propageaient aux aires corticales adjacentes. Les patients présentant une récupération progressive de la conscience ont quant à eux montré une résurgence d’interactions cérébrales rapides et à longue distance (Gosseries & Rosanova et al., 2012). La SMT-EEG semble être une technique sensible qui pourrait être utilisée comme marqueur diagnostique en routine clinique. Ces résultats confirment également un syndrome de déconnexion au niveau cortico-cortical et une perte de conscience liée à une altération de la connectivité effective entre les différentes aires cérébrales (perte d'intégration et de différentiation de l’activité neuronale).

Aspects psychologiques liés à la prise en charge des patients sévèrement cérébrolésés. Parallèlement aux études susmentionnées, nous avons évalué le syndrome du burnout parmi le personnel soignant prenant en charge des patients non communicants dans des centres de réadaptation et des maisons de repos. Sur 523 personnes interrogées, 18% présentaient un burnout modéré (15%) à sévère (3%). La profession (équipe infirmière), le lieu de travail (maison de repos) et le nombre d’heures passées avec les patients étaient associés à la présence de burnout (Gosseries et al., accepté). L’importance et la satisfaction de différents besoins des familles des patients ont également été évaluées. Les besoins considérés comme importants étaient le besoin d’information médicale, le soutien émotionnel et social ainsi que l’implication dans les soins. Les familles étaient insatisfaites pour les trois premiers besoins rapportés et présentaient souvent des pensées dépressives et de l’anxiété (Gosseries et al., soumis). Le burnout du personnel soignant et les besoins des familles doivent être pris en compte afin de réduire la détresse psychologique associée à la difficulté de la prise en charge de ces patients et afin de favoriser une qualité optimale des soins prodigués aux patients. Au terme de ce travail, nous proposons des perspectives de futures études sous forme de deux nouvelles approches. La première approche, multimodale et longitudinale, consiste à comparer les différents types de connectivité cérébrale (structurelle, fonctionnelle, effective) lors de la récupération de conscience. La seconde approche est d’ordre thérapeutique, et vise à établir dans quelle mesure la restauration de la connectivité effective est liée à la restauration de conscience lors de traitements pharmacologiques et de stimulation cérébrale.

Summary

Following a coma, some patients may stay in a chronic unresponsive wakefulness syndrome (wakefulness without awareness) or in a minimally conscious state (wakefulness and fluctuation of awareness) (Gosseries & Bruno et al., 2011b). Previous works showed that behavioral assessments frequently lead to diagnostic errors. Neuroimaging studies using MRI and PET were developed to measure more objectively the state of consciousness of these patients (Gosseries et al., 2011d). However these techniques are not sensitive enough to detect signs of consciousness at the individual level. Our first objective is to validate new diagnostic paraclinical markers using electroencephalography and transcranial magnetic stimulation. At the neuroscientific level, the information integration (Tononi, 2004), the global neuronal workspace (Dehaene et al., 2006) and the disconnection syndrome (Laureys and al, on 2005) theories postulate that activation of a widely connected and specialized neuronal network is required for consciousness to emerge. The level of consciousness can therefore be linked to the level of connectivity in a wide fronto-parieto-thalamic network. Our second objective is to test these hypotheses by integrating our results into a general theoretical frame of consciousness.

Clinical assessment. Outside the scope of our main objectives, we studied predictors of short-term outcome. The time interval post-injury and the Disability Rating Scale score at enrollment in a rehabilitation centre were predictors of early recovery. Etiology was also a good predictor in some analysis. None of these predictive models could however explain sufficient variance to allow their use in individual clinical decision making (Gosseries & Whyte et al., 2009).

EEG assessment. We investigated the usefulness of EEG in differentiating unconscious from minimally conscious patients. Automated EEG-entropy could reliably discriminate these patients in the acute setting with a good sensitivity (Gosseries et al., 2011b). EEG-entropy values were high in minimally conscious patients and low in unconscious patients, suggesting a decrease of neural network complexity in the latter. This technique, which is easily applicable in clinical routine, offered however no reliable prognosis information. In a second study, using auditory evoked potentials and specific source reconstruction analysis, we showed that the only difference between unresponsive patients and healthy controls was an impairment of backward connectivity from frontal to temporal cortices. By contrast, minimally conscious patients exhibited near-normal recurrent effective connectivity (Boly et al., 2011a). These results require further validation at the individual level but emphasize the importance of top-down projections in recurrent processing for conscious perception, and confirm the hypotheses of the loss of effective connectivity and disconnection syndrome.

Transcranial magnetic stimulation assessment (TMS). We assessed cortico-spinal excitability through the stimulation of motor cortices and electromyography recordings. Spinal measurements were globally similar whereas cortical measurements differed according to the level of consciousness. Patients revealed a higher motor threshold, narrower stimulus/response curves and a decreased short afferent inhibition (using an additional electrical stimulation on the median nerve) compared to healthy controls participants. Recruitment curves and short afferent inhibition were associated to the level of consciousness. Our findings suggest decreased cortico-spinal excitability and inhibition as well as a cortical disconnection syndrome in disorders of consciousness (Gosseries & Lapitskaya et al., submitted).

Multimodal TMS and EEG assessment. To further assess cortical excitability and effective cortico-cortical connectivity, we employed TMS combined with EEG (Gosseries & Rosanova et al., submitted). This technique allowed to reliably discriminate between unresponsive and minimally conscious patients at the individual level. In unresponsive patients, TMS triggered a stereotyped and local response whereas in minimally conscious patients, TMS triggered rapidly changing and long-lasting widespread responses. Through longitudinal measurements, we also showed that this clear-cut change in the brain’s capacity for internal communication occurred at an early stage during recovery of consciousness, before reliable communication could be established with the patient (Gosseries & Rosanova et al, 2012). TMS-EEG seems therefore a trustworthy tool which could be used as a diagnostic marker in clinical routine. These results also confirm the cortico-cortical disconnection syndrome and the loss of consciousness related to altered effective connectivity between brain areas (loss of integration and differentiation of the neuronal activity).

Psychological issues related to the management of patients with disorders of consciousness. In parallel to the above studies, we also investigated the presence of burnout among healthcare professionals working with unresponsive and minimally conscious patients in rehabilitation centres and nursing homes. Out of 523 caregivers, 18% presented a moderate (15%) to severe burnout (3%). Profession (i.e. nurse/nursing assistants), working place (i.e. nursing home) and the amount of time spent with patients were associated with burnout (Gosseries et al., accepted). We also evaluated the family needs of chronic patients with disorders of consciousness. The most important needs reported were the medical information, the social and emotional support as well as the involvement in the care. Unsatisfaction was nevertheless observed for the emotional and social support as well as for medical information, in addition to frequent depressive thoughts and anxiety (Gosseries et al., submitted). Insufficient consideration of professional workers burnout and family needs may lead to important psychological distress and may favor inadequate quality of care in patients with disorders of consciousness.

At the end of this work, we propose two new approaches in future studies. The first approach, multimodal and longitudinal, consists in comparing various types of connectivity (i.e. structural, functional and effective) during recovery of consciousness. The second approach is of therapeutic interest, and will allow to evaluate in which measure the restoration of effective connectivity is connected to the restoration of consciousness during pharmacological treatments and during brain stimulation.