Résumé : Ce travail est réparti en deux parties différentes issues de deux études différentes.

La première partie décrit l’étude AMATA conçue en 2005 au Rwanda, étude prospective basée sur le suivi d’une cohorte répartie en deux groupes d’intervention postnatale. Cette étude avait pour objectif de tester l’hypothèse que l’allaitement maternel (AM) sous trithérapie antirétrovirale maternelle (HAART) pouvait être une prévention aussi efficace que le lait artificiel (LA) afin de réduire drastiquement la transmission du virus VIH de la mère à l’enfant avec une moindre mortalité infantile. Cette intervention permettait de préserver les avantages de l’AM, connue pour offrir une prévention naturelle minimisant les infections graves, en particulier les gastro-entérites et diminuant le taux de malnutrition protéino-énergétique (MPE). Dans la cohorte « AMATA », un groupe d’enfants était allaité exclusivement durant six mois, les mères étant sous trithérapie antirétrovirale systématique et un autre groupe d’enfants était nourri au LA durant les six premiers mois de vie. L’intervention débutait durant la grossesse à partir de la 28ème semaine d’âge gestationnel, une trithérapie antirétrovirale étaient donnée à toutes ces femmes enceintes infectées par le VIH participant à l’étude, quel que soit leur stade immunitaire ou clinique. Cette trithérapie était poursuivie à vie pour les femmes nécessitant cette combinaison de traitements antirétroviraux pour des raisons cliniques et/ou immunitaires et non poursuivie pour les autres femmes, avec un schéma d’interruption minimisant les résistances aux ARVs.

Les critères d’évaluation de comparaison des deux interventions postnatales étaient la survie à 9 mois des enfants non infectés, le taux d’infection par le VIH et la mortalité des enfants dans chaque groupe. La présence de facteurs confondants a été recherchée en effectuant une analyse de variance car la randomisation était impossible pour des raisons éthiques.

Dans l’étude AMATA, parmi les 532 enfants inclus, 227 (43%) étaient allaités et 305 (57%) recevaient du LA, 7 enfants furent infectés par le VIH (1,3%) dont 6 in utero (3 enfants par groupe). Un enfant fut infecté par l’AM correspondant à un risque cumulatif postnatal de 0,5% [IC95% 0,1–3,4%; P 0,24]. Ce taux de transmission reste parmi les plus bas dans un pays à ressources limitées même en comparant avec d’autres études où la trithérapie fut aussi utilisée durant l’AM. Ces études furent publiées après le début de l’enrôlement des patientes dans l’étude rwandaise AMATA en 2005.

La différence de mortalité à 9 mois n’était pas statistiquement différente dans les 2 groupes avec 3,3% (95% IC 1,6–6,9%) pour les enfants allaités et 5,7% (95% IC 3,6–9,2%) pour les enfants recevant du LA (P= 0,20).

Cette étude renforce la notion que l’AM sous trithérapie antirétrovirale (HAART) reste une approche à recommander dans les contextes où la mortalité infantile est élevée. Cette prévention postnatale permet non seulement de réduire très efficacement la transmission du VIH de la mère à l’enfant en préservant les avantages de l’AM et en évitant les risques du LA distribué dans des contextes d’hygiène précaire où un accès à l’eau potable est difficile.

Dans cette étude, l’efficacité de ces 2 interventions postnatales était comparable avec des taux de transmission et de mortalité semblables statistiquement.

La deuxième partie de ce travail, basée sur les résultats d’une cohorte d’enfants âgés de moins de 18 mois nés de mères infectées par le VIH permettait d’évaluer les signes cliniques présomptifs proposés par l’OMS en 2005. Ces signes

étaient créés afin de pouvoir effectuer le diagnostic clinique d’infection par le VIH chez les enfants exposés au virus VIH

dans les pays où les techniques moléculaires de PCR n’étaient pas accessibles. Les enfants nés de mères infectées par le

VIH gardent parfois des anticorps anti-VIH maternels jusqu’à l’âge de 18 mois sans être pourtant contaminés par le VIH/SIDA. Avant cet âge, la confirmation de l’infection par le VIH repose sur la démonstration de la présence d’ADN proviral ou ARN par la technique PCR. La mortalité précoce des nourrissons infectés par le VIH est élevée, il est important de pouvoir bénéficier d’ARVs dès le diagnostic précoce de l’infection.

Les signes cliniques de présomption d’infection par le VIH chez l’enfant exposé (sérologie VIH +) de moins de 18 mois ont été proposés en 2005 par l’OMS et modifiés en 2006 mais ne furent jamais évalués.

Cette étude transversale comprenant 236 enfants de moins de 18 mois ayant une sérologie VIH positive consistait à évaluer la sensibilité (76,6%) et la spécificité (52,7%) de ces signes cliniques en confirmant leur statut infectieux réel par le test PCR pour le VIH, test de référence.

Cette spécificité basse inquiétante était liée aux enfants présentant des signes cliniques similaires bien que non infectés par le VIH mais souvent carencés par manque d’apport calorique et/ou souffrant d’une forme avancée de tuberculose extra pulmonaire ou d’autres affections chroniques. Ces enfants cachectiques pouvaient présenter les mêmes signes cliniques que les enfants infectés par le VIH car ils avaient une baisse de leur immunité cellulaire due à la MPE.

Dans la première partie de ce travail, l’étude AMATA a montré 2 façons efficaces de diminuer la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

Dans la deuxième partie, on a évalué une méthode de diagnostic clinique précoce proposé par l’OMS afin de détecter les enfants infectés par le VIH en l’absence de test virologique PCR mais la basse spécificité indique la nécessité d’améliorer cette méthode diagnostique.