par Ferry, Victor ;Nicolas, Loïc ;Sans, Benoît
Référence annuelle de l’Association canadienne de rédactologie (ACR) (24 au 26 mai 2014: Brock University, St. Catharines, ON, Canada)
Publication Non publié, 2014-05-26
Communication à un colloque
Résumé : Il y a plus d’un demi siècle, au cœur d’une Europe encore marquée par la tragédie de la seconde guerre mondiale, Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca publiaient leur Traité de l’argumentation (1958). Les auteurs faisaient le constat de l’échec des conceptions traditionnelles de la preuve et de l’argumentation à munir les citoyens d’outils efficaces pour lutter contre le dogmatisme et le fanatisme. De façon remarquable, c’est alors vers la rhétorique qu’ils se tournaient. Aujourd’hui, nous entendons renouer avec une approche humaniste de la rhétorique (Danblon : 2013) à travers deux projets phares. Le projet « Archives Perelman », s’appuyant notamment sur la correspondance de Perelman avec des figures majeures de la pensée du XXème siècle, est une enquête sur l’atmosphère intellectuelle dans laquelle le philosophe a tenté de faire de la rhétorique le fondement d’une éducation humaniste. Le projet « Exercice de rhétorique : raison pratique, citoyenneté, créativité » vise à adapter les traités de rhétorique antique à la pédagogie contemporaine. L’objectif de nos trois communications sera de partager les enjeux théoriques, politiques et les premières découvertes de nos projets.Loïc Nicolas présentera l’originalité de l’approche de l’argumentation chez Perelman et Olbrechts-Tyteca et, en particulier, leur conception du désaccord. Alors que les approches normatives de l’argumentation (i.e. la pragma-dialectic, l’informal logic, le critical thinking) offrent des protocoles de résolution des désaccords, la rhétorique offre les outils nécessaires à apprivoiser le désaccord. Ainsi, comme le montrera Victor Ferry, le projet « exercice de rhétorique » accorde une importance particulière aux dissoi logoi, exercice de renversement des points de vue. Cet exercice, pour être subversif (il s’agit, pour l’élève, de défendre une opinion et son contraire), pourrait être un détour nécessaire pour l’apprentissage de la citoyenneté (Pearce) et, plus particulièrement, pour la gestion des désaccord profonds (Fogelin : 1985 ; Angenot : 2008) qui naissent presque nécessairement sur les sujets de société non triviaux. Benoît Sans présentera les premiers résultats d’une mise en place d’exercices de rhétorique dans une classe dite « difficile » avec des jeunes élèves (de 11 à 13 ans). Il abordera, en particulier, les enjeux de l’adaptation d’exercice pensés par des auteurs antiques à des auditoires contemporains. Il abordera, également, le problème de la tension entre la créativité des arguments produits par les élèves et leur recevabilité : la frontière est ténue entre un argument audacieux et un argument qui, par son audace même, perturberait le bon déroulement de l’exercice en classe. Ce problème nous renvoie aux origines mêmes de l’invention de la rhétorique par les sophistes : concilier, d’une part, l’apprentissage de la liberté, par la maîtrise de la parole persuasive et, d’autre part, le respect de valeurs communes, nécessaires à la vie en collectivité.