Résumé : Introduction.– L’atteinte rénale des vascularites cryoglobulinémiques (VasCryo) a été essentiellement caractérisée au cours des cryoglobulinémies associées à l’infection par le virus de l’hépatite C, qui représente la cause principale. L’atteinte rénale au cours des VasCryo mixtes d’origine non-infectieuse a, en revanche, été peu étudiée.Objectif.– Déterminer le spectre clinique et histopathologique de l’atteinte rénale au cours des VasCryo mixtes d’origine non-infectieuse.Patients et méthodes.– Quatre-vingt-un centres français de médecine interne, néphrologie, rhumatologie, hématologie, dermatologie et neurologie ont inclus 242 patients atteints de VasCryo mixtes d’origine non-infectieuse diagnostiquée entre janvier 1995 et juillet 2010, dans le cadre de l’enquête nationale Française CryoVas. Une analyse rétrospective et descriptive des patients avec des VasCryo mixtes d’origine non-infectieuse et atteinte rénale prouvée histologiquement a été réalisée.Résultats.– Quatre-vingt patients ont été analysés (50 femmes et 30 hommes, âge moyen 63 ± 14 ans). La cause retrouvée de la VasCryo était un syndrome de Sjögren primaire (SSp) chez 18 patients (22,5 %) et une lymphoprolifération B maligne chez 23 patients (28,7 %). La VasCryo était classée comme essentielle chez les 39 cas restants (48,8 %). Dans la plupart des cas, la cryoglobulinémie mixte était composée d’une IgM kappa monoclonale et d’IgG polyclonales.L’atteinte rénale au diagnostic était caractérisée par une hématurie microscopique, une protéinurie supérieure 1 g/24 h, une hypertension artérielle et une insuffisance rénale chez 97 %, 85 %, 85 % et 82 % des patients, respectivement. Le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) moyen était de 40 ± 20 mL/min/1,73m2. Les manifestations extra-rénales associées étaient cutanées (71 %), neurologiques périphériques (43 %) et articulaires (35 %). Soixante-treize patients (91 %) avaient une glomérulonéphrite membranoproliférative de type 1, tandis que sept patients avaient une glomérulonéphrite mésangio-proliférative. L’interstitium rénal était infiltré par des cellules inflammatoires dans plus de la moitié des cas, avec une organisation nodulaire dans 40 % des cas. Ces infiltrats étaient composés essentiellement de lymphocytes T CD3+ et de lymphocytes B CD20+. Une fibrose interstitielle modérée à sévère était observée chez 20 % des patients. Les lésions vasculaires incluaient une athérosclérose et plus rarement une vascularite nécrosante.Le traitement initial comportait des corticoïdes (88 %), associés à du cyclophosphamide dans 40 % des cas et du rituximab dans 30 %. Des plasmaphérèses ont été réalisées chez 18 patients. Une rémission rénale initiale était observée dans 86 % des cas, mais des rechutes observées dans la moitié des cas. Le DFGe moyen à la fin du suivi était de 49 ± 26 mL/min/1,73m2, avec une insuffisance rénale terminale dans 5 % des cas. Neuf patients sont décédés dans les six mois suivants la biopsie rénale, et 25 % des patients à la fin du suivi. Les infections représentaient la cause principale de décès (50 %).Conclusion.– Cette étude décrit une large série collaborative de patients avec atteinte rénale au cours des VasCryo mixtes d’origine non-infectieuse. Les VasCryo essentielles représentent environ 50 % des cas. Les lymphoproliférations B malignes et le SSp sont les autres étiologies fréquentes justifiant d’être recherchées. Un quart des patients avec atteinte rénale décèdent, le plus souvent dans les six premiers mois de suivi, essentiellement d’infections sévères.