par Fisher, Axel
Référence EAAE rurality network conference and workshops (1: 8-12 avril 2013: Fribourg (Suisse))
Publication Non publié, 2013-04-08
Communication à un colloque
Résumé : « L’air de la ville rend libre », nous rappelle le proverbe médiéval allemand. On s’étonnera alors du regain d’intérêt de l’architecture pour le thème de la ruralité et en particulier pour le modèle d’établissement humain villageois. En ville, le paysan s’affranchit des servitudes et corvées, et le travailleur moderne poursuit une promesse de bien-être et d’opportunités. Mais, face à la machinerie sèche et violente du progrès, la rationalité et l’efficacité urbaine supplantent les superstitions et le régime des habitudes ruraux ; les repères spatiaux et les structures sociales traditionnels se délitent. Happé par l’anonymat des masses, le citoyen est contraint à une perpétuelle redéfinition de son identité individuelle et collective. La ville moderne occidentale, intestin et cerveau de l’économie-monde, s’alimente de la tension entre projet d’émancipation et projet de déracinement. Paradoxalement, son effort de centralisation s’accompagne d’un désir de conquête et d’évasion ; l’émergence du sentiment de la nature relevé par Reclus et les escapades immortalisées par les Renoir père et fils comptent parmi les compensations au malaise urbain. Ainsi, la ruralité et le « retour à la terre » invoqués par nombre d’utopies urbaines du 19è et du 20è siècle représentent l’épiphénomène d’un besoin social patent de paysagement et de modèles alternatifs au métropolitanisme. Relue à travers ce prisme, l’expérience de colonisation agricole sioniste menée entre 19è et 20è siècle – sans besoin de minimiser ses spécificités ni ses conséquences dramatiques passées et actuelles – présente plusieurs caractères de généralité et d’actualité. Le « retour à la terre et à l’agriculture » prôné par le projet d’auto-émancipation sioniste s’adresse en effet à un paradigme d’homme déraciné : le luftmensch ou juif errant. La colonisation agricole, comme mécanisme de reconstruction physique et morale d’identités individuelles et collectives concentre ses efforts sur la définition des formes et caractères du village agricole, topos privilégié à travers lequel conquérir un rôle productif au sein de la société, adopter un quotidien rythmé par les cycles naturels, s’identifier avec un paysage tout en le façonnant.Des écoles d’agriculture de la philanthropie européenne jusqu’à la mise au point des types consacrés – kibboutz et mochav – le panel des prototypes de village moderne juif en Palestine est impressionnant, et révèle un thème dominant : comment combiner l’authenticité du contact à la terre et du sens de communauté villageoise à l’effervescence culturelle et intellectuelle de la ville ? Au début des années 1920, le village sioniste se présente déjà comme un modèle d’établissement humain moderne et progressiste, en radicale alternative à celui de la ville moderne occidentale. En présentant quelques uns de ces villages, il est possible d’identifier des problèmes d’architecture et de composition récurrents dans le projet d’un village agricole, ainsi que de dégager les solutions originales qui y ont été tour à tour proposées. Depuis cette perspective, il est possible de concevoir l’actualité de la ruralité et du village agricole comme territoire de projet, et de discuter de la pertinence d’expériences passées et parfois même lointaines pour affronter certains des défis actuels.